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    Ходасевич (hodasevich.lit-info.ru)
  • Du développement des idées révolutionnaires en Russie (О развитии революционных идей в России).
    II. La Russie avant Pierre ier (II. Россия до Петра I )

    II. La Russie avant Pierre ier

    L'histoire russe n'est que l'embryogénie d'un Etat slave; la Russie n'a fait que s'organiser. Tout le passé de ce pays, depuis le IXe siècle, doit être considéré comme l'acheminement vers un avenir inconnu, qui commence à poindre.

    La véritable histoire russe ne date que de 1812 – antérieurement il n'y avait que l'introduction.

    été effectivement absorbées par son développement, comme l'ont été celles des peuples germano-romains.

    ècle, ce pays se présente comme un Etat organisé d'une toute autre manière que les Etats d'Occident. Le gros de la population appartenait à une race homogène, disséminée sur un territoire très vaste et très peu habité. La distinction qu'on trouve partout ailleurs entre la race conquérante et les races conquises ne s'y rencontrait point. Les peuplades faibles et infortunées des Finnois, clairsemées et comme perdues parmi les Slaves, végétaient hors de tout mouvement, dans une soumission passive, ou dans une sauvage indépendance; elles étaient de nulle importance pour l'histoire russe. Les Normands (Varègues), qui dotèrent la Russie de la race princière qui y régna, sans interruption, jusqu'à la fin du XVIe siècle, étaient plus organisateurs que conquérants. Appelés par les Novgorodiens, ils s'emparèrent du pouvoir et retendirent bientôt jusqu'à Kiev[3].

    Les princes varègues et leurs compagnons perdirent à la fin

    De cuelques générations le caractère de leur nationalité, et se confondirent avec les Slaves, après avoir imprimé toutefois une impulsion active et une nouvelle vie à toutes les parties de cet Etat à peine organisé.

    ère slave présente quelque chose de féminin; cette race intelligente, forte, remplie de dispositions variées, manque d'initiative et d'énergie. On dirait, que la nature slave, ne se suffisant pas à elle-même, attend un choc qui la réveille. Le premier pas lui coûte toujours, mais la moindre impulsion met chez lui en jeu une force de développement extraordinaire. Le rôle des Normands a été pareil à celui qu'a rempli plus tard Pierre le Grand, par la civilisation occidentale.

    La population était partagée en petites communes rurales, les villes étaient rares et ne se distinguaient en rien des villages, excepté par leur plus grande étendue et par l'enceinte en bois qui les entourait (le mot russe gorod, ville, provient de gorodite, enclore). Chaque commune représentait, pour ainsi dire, la descendance d'une famille qui possédait ses biens sans partage individuel, en commun, sous l'autorité patriarcale exercée par un des chefs de famille reconnu pour l'ancien. Ce régime tout monarchique était corrigé par l'autorité de tout le monde (vess mir), c'est-à-dire par l'unanimité des habitants. Et, comme l'organisation sociale des villes était la même que celle des campagnes, il est évident que le pouvoir princier était contrebalancé par la réunion générale des citadins (vétché).

    énéral, nous ne rencontrons dans la vieille Russie aucune classe distincte, privilégiée, isolée. Il n'y avait que le peuple et une race, ou plutôt une famille princière, souveraine, la descendance de Rurik le Varègue, qui était complètement distincte du peuple. Les membres de la famille princière partageaient entre eux toute la Russie, selon l'ancienneté généalogique des branches auxquelles ils appartenaient et leur propre ancienneté. L'Etat était divisé en apanages, qui n'avaient rien de fixe et qui étaient gouvernés chacun par son prince sous la suprématie du plus ancien de la famille, qui s'appelait grand prince et avait pour apanage Kiev, plus tard Vladimir et Moscou. Le pouvoir du grand prince sur les autres princes était très restreint. Ceux-ci reconnaissaient la suprématie de Kiev, mais il n'y avait presque aucune dépendance réelle, aucune centralisation administrative. Les apanages n'étaient point envisagés comme des propriétés individuelles des princes, ils ne pouvaient l'être, car les princes passaient souvent d'un apanage à un autre, en réunissaient plusieurs à la fois, par voie d'héritage, ou bien faisaient de leur lot autant de parts qu'ils avaient de fils et d'héritiers mâles; ou bien encore ils devenaient grands princes selon l'ancienneté (ce n'était pas le fils aîné qui succédait au grand prince, mais le frère de celui-ci). On peut s'imaginer, sans peine, à quelles luttes sanglantes, à quelles contestations éternelles donnait lieu une hérédité si compliquée. Les guerres entre le grand prince et les princes apanages n'ont pas discontinué jusqu'à l'établissement de la centralisation moscovite.

    Nous trouvons autour des princes un cercle très restreint de leurs compagnons d'armes, amis ou dignitaires, qui forme quelque chose dans le genre d'une aristocratie très difficile à caractériser, parce qu'elle n'avait rien de défini ou de bien prononcé. Le titre de boyard était honoraire, il ne donnait aucun droit positif et n'était pas même héréditaire. Les autres titres ne représentaient que des fonctions, en sorte que l'échelle des dignités aboutissait imperceptiblement à la grande classe des paysans. Aussi toute cette couche supérieure de la société fut-elle recrutée par le peuple; les descendants des guerriers varègues, qui vinrent avec Rurik, apportèrent, à ce qu'il paraît, l'idée d'une institution aristocratique, mais l'esprit slave la mutila selon ses notions patriarcales et démocratiques. La drougina, espèce de garde permanente du prince, était trop peu nombreuse pour former une classe à part. Le pouvoir princier était bien loin d'être illimité comme il le fut plus tard à Moscou. Le prince n'était en réalité que l'ancien d'un grand nombre de villes et de villages,qu'il gouvernait conjointement avec les réunions générales, mais il avait l'immense avantage de ne pas être électif et de partager les droits souverains de la famille à laquelle il appartenait. En outre, le grand prince était le grand juge du pays, le pouvoir judiciaire 'tait pas séparé du pouvoir exécutif. Cette fédéralisation étran-dont l'unité s'exprimait par l'unité de la race régnante et se perdait point daus la divisibilité des parties et le manque de entralisation, cette fédéralisation, avec sa population homogène sans classes, sans distinctions entre les villes et villages, avec ses propriétés territoriales sous le régime communiste, ne ressemble en rien aux autres Etats de la même époque. Mais si cet Etat différait si essentiellement des autres Etats de l'Europe, on n'est point autorisé à supposer qu'il leur lût inférieur avant le XIVe siècle. Le peuple russe d'alors était plus libre que les peuples de l'Occident féodal. D'autre part, cet Etat slave ne ressemblait pas non plus aux Etats asiatiques, ses voisins. S'il y entrait quelques éléments orientaux, le caractère européen dominait. La langue slave appartient, sans aucune contestation, aux langues indo-européennes et non pas aux langues indo-asiatiques; en outre, les Slaves n'ont ni ces élans soudains qui réveillent le fanatisme des populations entières, ni cette apathie qui prolonge la même existence sociale au travers des siècles entiers et de générations en générations. Si l'indépendance individuelle est aussi peu développée chez les peuples slaves que chez les peuples d'Orient, il y a cependant cette différence à établir, que l'individu slave a été absorbé par la commune, dont il était un membre actif, tandis que l'individu de l'Orient a été absorbé par la race ou l'état auxquels il n'avait qu'une participation passive.

    éenne, vue de l'Asie; et ce dualisme convenait parfaitement à son caractère et à sa destinée, qui consiste entre autres à devenir le grand caravansérail de la civilisation entre l'Europe et l'Asie.

    La religion même continua cette double influence. Le christianisme est européen, c'est la religion de l'Occident; la Russie en l'acceptant s'éloignait de l'Asie, mais le christianisme qu'elle adopta fut oriental: il venait de Byzance.

    Le caractère slavo-russe a une grande affinité avec celui de tous les Slaves, en commençant par les Illyriens et les Monténégrins et en terminant par les Polonais avec lesquels les Russes uttaient si longtemps. Ce qui distingue le plus les Slavo-Russes (outre l'influence étrangère qu'ont subie les diverses races slaves), c'est une tendance non interrompue, persévérante, à s'organiser en un Etat indépendant et fort. Cette plasticité sociale manquait plus ou moins aux autres races slaves, même aux Polonais. L'idée de vouloir organiser et étendre l'Etat, se réveille du temps des premiers princes qui vinrent à Kiev, de même qu'après mille ans, elle se retrouve dans Nicolas. On la reconnaît dans l'idée fixe de conquérir Byzance et dans l'entraînement avec lequel le peuple s'est levé en masse (en 1612 et 1812), lorsqu'il a craint pour son indépendance nationale. Instinct ou legs des Normands, ou tous les deux ensemble, c'est là un fait incontestable et la cause pour laquelle la Russie a été le seul pays slave qui se soit organisé avec une telle puissance. L'influence étrangère même a aidé de diverses manières à ce développement, en facilitant la centralisation et en prêtant au gouvernement les moyens qu'il n'avait pas.

    élément étranger, après l'élément normand, que nous voyons se mêlera la nationalité russe, fut l'élément byzantin. Tandis que les successeurs de Sviatoslaf ne rêvaient que la conquête de la Rome orientale, celle-ci entreprit et accomplit leur soumission spirituelle. La conversion de la Russie à l'orthodoxie grecque est un de ces événements graves, dont les suites ne peuvent être calculées, qui se développent durant des siècles, et changent parfois la face du monde. Il n'y a pas de doute qu'un demi-siècle ou un siècle plus tard, le catholicisme n'eût pénétré en Russie et n'en eût fait une seconde Croatie ou une seconde Bohême.

    à Byzance et pour l'église humiliée par sa rivale. Le clergé de Constantinople, avec cette astuce qui le caractérise, le comprit fort bien; il entourait ses princes de moines et désignait les chefs de la hiérarchie cléricale. L'héritier, le défenseur, le vengeur de tout ce que l'église grecque avait souffert ou avait à souffrir fut trouvé, non en Anatolie, non en Antioche, mais dans un peuple qui touchait d'un côté à la Mer Noire et d'un autre à la Mer Blanche.

    L'orthodoxie grecque forma un lien inséparable entre la Russie et Constantinople; elle affermit l'attraction naturelle des Slavo-Russes vers cette ville, et prépara par sa conquête regieuse la conquête future de la métropole orientale par le seul geuple puissant qui professât l'orthodoxie grecque.

    L'église se jeta aux pieds des princes russes, lorsque Mahomet II entra en vainqueur à Constantinople, et, depuis ce temps, le clergé ne cessa de leur montrer du doigt le croissant sur l'église de Sainte-Sophie. M. Fallmerayer raconte dans ses Fragments de l'Orient, comme le clergé grec, était électrisé, lorsqu'on entendait la canonnade de Paskévitch à Trébisonde, et comme les moines d'Haygyon-Horos et d'Athos attendaient leur libérateur orthodoxe. La domination turque aura été beaucoup plus favorable que contraire au dénoûment que nous prévoyons. L'Europe catholique n'aurait pas laissé le Bas-Empire en repos pendant les quatre derniers siècles. Une fois déjà les Latins avaient régné sur l'empire d'Orient. On aurait probablement relégué les empereurs dans qeulque coin de l'Asie Mineure et converti la Grèce au catholicisme. La Russie d'alors n'aurait pu rien faire contre les empiétements des Occidentaux; les Turcs ont donc sauvé, par leur conquête, Constantinople de la domination papale. Le joug des Osmanlis a été dur, impitoyable, sanguinaire au commencement; mais lorsqu'ils n'eurent plus rien à craindre, ils laissèrent les peuples conquis jouir en repos de leur religion, de leurs mœurs, et c'est ainsi que s'écoulèrent les quatre derniers siècles. La Russie devint virile depuis ce temps, l'Europe vieillit, et la Sublime-Porte elle-même a déjà subi l'émancipation de la Morée et un sultan réformateur.

    A l'influence byzantine se joignit bientôt une influence encore plus étrangère à l'esprit occidental, l'influence mongole. Les Tartares passèrent sur la Russie comme une nuée de sauterelles, comme un ouragan démolissant tout ce qu'il rencontrait sur son chemin. Ils saccageaient les villes, brûlaient les villages, s entre-pillaient les uns les autres, et, après toutes ces horreurs, ils disparaissaient derrière les bords de la Mer Caspienne, en envoyant de temps à autre des hordes féroces pour rappeler leur domination à la mémoire des peuples conquis. Quant à l’organisation intérieure de l'Etat, à son administration et à son gouvernement, ces conquérants nomades n'y touchaient pas. Non seulement ils laissaient une pleine liberté à l'exercice de la religion grecque, mais ils bornaient leur domination sur les princes russes à exiger d'eux de venir chercher leur investiture chez les khans, de reconnaître leur souveraineté, et de payer l'impôt prescrit. Le joug mongol néanmoins porta un coup terrible au pays: le fait matériel des dévastations renouvelées à plusieurs reprises avait exténué le peuple, il fléchit sous une misère accablante. Il désertait les villages, errait dans les bois, il n'y avait plus de sécurité pour les habitants; les charges s'accrurent de l'impôt que venaient percevoir, au moindre retard, des Baskaks avec des pleins pouvoirs et des milliers de Tartares et de Kalmouks. C'est à partir de ces temps néfastes, qui durèrent près de deux siècles, que la Russie se laissa devancer par l'Europe. Le peuple persécuté, ruiné, toujours intimidé, acquit l'astuce et la servilité des opprimés; l'esprit public s'avilit. L'unité même de l'Etat était prête à se rompre, de grandes crevasses se faissaient de tous côtés: le sud de la Russie commençait de plus en plus à se détacher de la Russie centrale, une partie penchait vers la Pologne, une autre était sous la domination des Lithuaniens. Les grands princes de Moscou ne s'inquiètent plus de Kiev. L'Ukraine se couvre de Cosaques indépendants, de ces hordes armées formant des républiques militaires, se recrutant de déserteurs et d'emigrants de toutes les parties de la Russie, qui ne reconnaissaient aucune souveraineté. Novgorod et Pskov, protégés des Mongols par les distances et les marais, cherchaient à se rendre indépendants de la Russie centrale ou à la dominer. Au centre de l'Etat, dans la partie la plus dévastée, on voyait une nouvelle ville, sans autorité, sans nom populaire, lever la tête avec la prétention orgueilleuse au titre de la capitale de la Russie. Il semblait que cette ville, perdue au fond des bois de sapin, n'avait aucun avenir, mais ce fut là justement que se noua le nœud central de la vie russe.

    ère dès qu'ils eurent quitté Kiev. A Vladimir, ils devinrent plus absolus. Les princes commencèrent à considérer leur apanage comme leur propriété, ils se crurent inamovibles, héréditaires. A Moscou, les princes changèrent l'ordre de la succession, ce ne fut plus le frère aîné, mais le fils aîné qui succéda. Ils diminuèrent de plus en plus les apanages des autres membres de la famille. L'élément populaire ne pouvait être fort dans une ville jeune, sans traditions, sans coutumes. C'est là ce qui attachait le plus les princes à Moscou. L’dée d'une réunion de toutes les parties de l'Etat fut la pensée dirigeante de tous les princes de Moscou, depuis Ivan Kalita, type du souverain de cette époque, politique, fourbe, astucieux, adroit, cherchan t à s'assurer la protection des Mongols par la plus grande soumission, et en même temps s'emparant de tout et profitant de tout ce qui pouvait accroître sa puissance. Moscou progressait avec une célérité inouïe. Aux persévérances de ses princes se joignit sa position géographique. Moscou fut le véritable centre de la Grande-Russie, ayant en son pouvoir, à de petites distances de cent cinquante à deux cents kilomètres, les villes de Tver, Vladimir, Iaroslaf, Riazan, Kalouga, Orel, et dans une périphérie un peu plus étendue, Novgorod, Kostroma, Voronèje, Koursk, Smolensk, Pskov et Kiev.

    La nécessité d'une centralisation était évidente; sans elle on ne pouvait ni secouer le joug mongol, ni sauver l'unité de l'Etat. Nous ne croyons pas cependant que l'absolutisme moscovite ait été le seul moyen de salut pour la Russie.

    Nous n'ignorons pas quelle place pitoyable occupent les hypothèses dans l'histoire, mais nous ne voyons pas de motif pour rejeter sans examen toutes les probabilités en se renfermant dans les faits accomplis. Nous n'admettons nullement ce fatalisme qui voit une nécessité absolue dans les événements, idée abstraite, théorique, que la philosophie spéculative a importée dans l'histoire comme dans la nature. Ce qui a été, a certainement eu des raisons d'être, mais cela ne veut nullement dire que toutes les autres combinaisons aient été impossibles; elles le sont devenues-par la réalisation de la chance la plus probable, c'est là tout ce qu'on peut admettre. L'histoire est beaucoup moins fixe qu'on ne le pense ordinairement.

    ême au commencement du XVIe siècle, il y avait encore dans la marche des événements en Russie une fluctuation telle qu'il n'était point décidé lequel des deux principes formant la vie populaire et politique aurait le dessus: le prince ou la commune, Moscou ou Novgorod. Novgorod, libre du joug mongol, grande et forte, mettant toujours les droits des communes au-dessus des droits des princes, cité habituée à se croire souveraine, métropole ayant de vastes ramifications coloniales en Russie, Novgorod était riche par le commerce actif qu'elle entretenait avec les villes anséatiques. Moscou, fidèle fief de ses princes, s'élevant sur les ruines des anciennes villes par la grâce des Mongols, ayant une nationalité exclusive, n'ayant jamais connu la véritable liberté communale de la période de Kiev, Moscou l'emporta; mais Novgorod aussi a eu des chances pour elle, ce qui explique la lutte acharnée entre ces deux villes et les cruautés exercées à Novgorod par Jean le Terrible. La Russie pouvait être sauvée par le développement des institutions communales ou par l'absolutisme d'un seul. Les événements prononcèrent en faveur de l'absolutisme, la Russie fut sauvée; elle est devenue forte, grande; mais à quel prix? C'est le pays le plus malheureux du globe, le plus asservi; Moscou a sauvé la Russie, en étouffant tout ce qu'il y avait de libre dans la vie russe.

    échangèrent leur titre contre celui de Tzars de toutes les Russies. L'humble titre de grand prince ne leur suffit plus, il leur rappelait trop l'époque de Kiev et les vétchés. Vers le même temps, le dernier empereur de By-zance tomba percé de coups, sous les murs de Constantinople. Ivan III épousa Sophie Paléologue; l'aigle à deux têtes, chassé de Constantinople, apparut sur le pavillon des tzars moscovites. Les moines grecs prophétisaient dans tout l'Orient chrétien que la vengeance n'était pas loin et qu'elle viendrait du Nord: le clergé byzantin craignait comme le plus grand malheur, de voir les Latins venir à leur secours, et n'avait d'espoir qu'en l'aide des tzars. Ce fut alors qu'il commença avec une nouvelle ardeur, à byzantiniser le gouvernement. Le clergé devait nécessairement désirer organiser la Russie selon la manière des Comnène et des Paléologue, d'en faire un empire muet, obéissant à une foi aveugle, dénué de lumières, et au-dessus duquel planerait un tzar divinisé, mais bridé par la puissance cléricale.

    à peu des ravages des Mongols, le peuple russe se trouva face à face avec le tzar, avec une monarchie illimitée, devenue accablante par le poids qu'elle avait acquis à l'ombre du khanat. Le tzar avait déjà réuni une grande partie des apanages et les avait incorporés au domaine de Moscou. Il était devenu beaucoup plus puissant que les autres princes réunis et le peuple des villes. S'il trouvait des rebelles, il les soumettait, princes ou villes avec une férocité sanguinaire. Novgorod tint bon, mais elle finit par succomber; la grande cloche qui appelait le peuple sur la place publique, la cloche dite des vétchés fut transportée comme un trophée à Moscou, cette ville qui naguère encore avait eté méprisée des Novgorodiens. Les ambassadeurs de Novgorod dirent à Ivan III: «Tu nous ordonnes de nous conformer aux lois de Moscou, mais nous ne connaissons pas les lois de Moscou, apprends-nous à les connaître». Ivan IV n'oublia pas cette ironie. Après le sac de Novgorod, après la prise de Pskov, après l'asservissement de Tver, les autres villes ne purent même pas penser à une résistance sérieuse, d'autant plus qu'elles avaient beaucoup souffert des invasions soit des Mongols, soit des Polonais ou des Lithuaniens. Les vétchés s'éteignaient les uns après les autres, un silence profond gagnait tout l'Etat, les tzars devenaient autocrates, omnipotents…

    Le byzantinisme inoculé par le clergé au pouvoir restait pourtant plus à la surface qu'il ne dépravait le fond de la nation. Il n'était en rapport ni avec le caractère national, ni même avec le gouvernement. Le byzantinisme, c'est la vieillesse, la fatigue, la résignation de l'agonie; le peuple russe était ruiné, abaissé, il n'avait pas assez d'énergie pour se relever, mais il était jeune, et, en réalité, il n'y avait pas en lui de désespoir, il avait plutôt déserté le champ de bataille qu'il n'avait été vaincu; perdant ses droits dans les villes, il les conservait au sein des communes rurales. Comment pouvait-il donc descendre vivant au cercueil, comme l'a fait Charles V, et se borner aux funérailles pompeuses et solennelles d'après le rite byzantin!

    Ceci est tellement vrai, que chaque individualité énergique qui occupa le trône de Moscou, s'efforça de rompre le cercle étroit de formalisme dans lequel se trouvait placé son pouvoir. Ivan IV, Boris Godounoff, le pseudo-Démétrius travaillèrent, avant Pierre Ier, à changer l'atmosphère soporifique et lourde du palais de Kremlin; ils suffoquaient eux-mêmes. Ils voyaient que, sous ce regime de formalités puériles et d'esclavage réel, le pays se démoralisait de plus en plus, que rien ne progressait,que l'administration provinciale devenait toujours plus onéreuse pour les sujets, sans aucun profit pour l'Etat. Ils voyaient que les prières du patriarche de Moscou et les images miraculeuses venant du mont Athos ne suffisaient pas pour les tirer de cet état de torpeur précoce.

    à son aide les institutions communales; il rédigea son code dans le sens des anciennes franchises: il laissa la perception des impôts et toute l'administration des provinces à des fonctionnaires électifs, il agrandit les attributions du jury en lui soumettant les procès criminels, et en exigeant son assentiment pour tout emprisonnement. Il voulut même abolir la charge des intendants des provinces et laisser à celles-ci pleine liberté de se gouverner elles-mêmes, sous la direction d'une chambre ad hoc. Cependant la liberté communale frappée par ses prédécesseurs ne renaissait pas à l'invitation d'un tzar omnipotent et féroce. Tous ses projets furent contrecarrés et sont restés stériles; telle a été vers la fin du XVIe siècle la désorganisation et l'apathie générale. Furieux de désespoir, Ivan multiplia ses exécutions d'une cruauté raffinée, par haine et par dégoût. – «Je ne suis pas Russe, je suis Allemand», a-t-il dit un jour à son orfèvre d'origine étrangère.

    Boris Godounoff pensa sérieusement à se rapprocher de l'Europe, à introduire les arts et les sciences de l'Occident, à établir des écoles; mais, sous ce dernier rapport, il trouva une opposition décidée de la part du clergé. Celui-ci se soumettait à tout, mais il craignait les lumières qui n'avaient point leur source dans l'orthodoxie. Il n'était pas facile aussi de faire venir des étrangers, attendu que les peuples baltiques leur barraient la route. On eût dit que, pressentant l'asservissement actuel de leurs descendants par la Russie, ils interceptassent chaque rayon de lumière venant d'Occident en Moscovie.

    é faire, le faux Démétrius le tenta. Homme instruit, civilisé, chevaleresque, il obtint le trône par une guerre civile, faite au nom de la légitimité et soutenue par la Pologne et les Cosaques. Démétrius attaqua plus directement que son prédécesseur les anciennes coutumes et les mœurs stationnaires de la Russie. Il ne cachait ni ses plans de réforme, ni ses prédilections pour les mœurs polonaises et l'église romaine.

    Le peuple de Moscou, soulevé par des boyards rebelles au nom de l'orthodoxie et de la nationalité en danger, envahit le palais, massacra le jeune tzar, profana son cadavre, le brûla, et après avoir bourré un canon de ses cendres, les dispersa au vent.

    ée par ces événements, répandit une activité fébrile dans tout l'Etat. La Russie s'agita de Kazan, jusqu'à la Neva et la Pologne… Etait-ce un effort instinctif du, peuple pour se constituer d'une autre manière, ou bien la dernière convulsion du désespoir, après laquelle il devint passif et laissa faire, jusqu'à nos jours, le gouvernement?..

    La confusion, l'irritation furent grandes, le sang coula partout. Après la mort du pseudo-Démétrius, on produisit un second prétendant, puis un troisième… L'un d'eux se tenait à quelques lieues de Moscou, dans un camp retranché, entouré de corps francs-russes, de Polonais et de Cosaques. Les provinces s'armaient, les unes pour aller au secours de Moscou, les autres pour aider aux prétendants; le palais du Kremlin restait vide, il n'y avait pas de tzar, pas même de gouvernement régulier. Le roi Sigismond de Pologne voulait imposer à la Russie son fils Vla-dislaf; une armée suédoise occupait le Nord de la Russie et voulait faire monter un de ses princes sur le trône russe; le peuple opta pour les princes Chouïski, tandis que les provinces ne voulaient pas en entendre parler. L'interrègne, la guerre civile, la guerre avec les Polonais, les Cosaques et les Suédois, l'absence de tout gouvernement durèrent quatre ans. Les dernières forces du peuple furent épuisées dans la défense de l'indépendance politique, aucun sacrifice ne lui coûta. Le boucher de Nijni, Minine et le prince Pojarski sauvèrent la patrie, mais ils ne la sauvèrent que des étrangers. Le peuple, las de troubles, de prétendants, de guerre, de pillage, voulait le repos à tout prix. Ce lut alors qu'on fit une élection hâtive, en dehors de toute légalite, sans consulter le peuple; on proclama le jeune Romanoll tzar de toutes les Russies. Le choix tomba sur lui, parce que, en rertu de son âge, il n'inspirait d'ombrage à aucun parti. Ce fut une élection dictée par la lassitude.

    Le règne de Romanoff, avant Pierre Ier, fut la fleuraison du regime pseudo-byzantin; le peuple était comme mort, ou ne donnait des signes de vie qu'en formant des bandes de brigands qui parcouraient les rives la Samara et la Volga. Les rouages lourds d’une administration mal entendue écrasaient le peuple; te gouvernement entrevoyait son incapacité, faisait venir des étrangers, ne pouvait se tirer d'affaires sans l'exemple de l'Europe, et, par une absurde contradiction, il continuait pourtant à se renfermer dans une nationalité exclusive et professait une haine sauvage pour toute innovation.

    écits des mœurs moscovites de ce temps, faits par un diplomate russe, qui s'est réfugié, vers la fin du XVIIe siècle, à Stockholm, Kochikhine. On recule avec horreur devant l'asphyxie sociale de ce temps, devant ces mœurs qui n'étaient qu'une parodie de mauvais goût du Bas-Empire. Les dîners, les processions, les vêpres, les messes, les réceptions d'ambassadeurs, les changements de costumes trois ou quatre fois par jour, formaient toute l'occupation des tzars. Autour d'eux se rangeait une oligarchie sans dignité, sans culture. Ces fiers aristocrates, vaniteux des fonctions qu'avaient occupées leurs pères, étaient fustigés dans les écuries du tzar, même knoutés sur la place publique, sans en ressentir l'offense. Il n'y avait rien l'humain dans cette société ignorante, stupide et apathique. Il fallait nécessairement sortir de cet état, ou pourrir avant d'avoir été mûr.

    ù attendre le salut? Certes, il ne pouvait venir du clergé, qui était alors à l'apogée de sa grandeur et de son influence. Le peuple courbait la tête et se tenait à l'écart; étaient-ce donc ces boyards flagellés qui pouvaient lui indiquer le chemin? Evidemment non, mais lorsqu'une exigence азе fait sentir, les moyens pour la réaliser ne manquent jamais.

    La révolution qui devait sauver la Russie sortit du sein même de la famille, jusque-là apathique, des Romanoff.

    Avant d'aller plus loin, il nous faut aborder une des questions ïes plus embrouillées de l'histoire russe: le développement du serrage. Aucune histoire, ni ancienne ni moderne, ne nous présente rien d'analogue à ce qui s'est produit en Russie, au XVIIe siècle, et à ce qui s'est établi définitivement "au XVIIIe, par rapport aux paysans. Par une série de simples mesures de police, par les empiétements des seigneurs qui possédaient des terres habitées, par la tolérance du gouvernement et par l'inertie des paysans, ceux-ci devinrent, de libres qu'ils étaient, de plus en plus fermes à la terre (krepki), propriétés inséparables du sol. Il semble que toutes les libertés de l'état naturel que les Slaves avaient conservées devaient passer par le terrible creuset de l'absolutisme et de l'arbitraire, pour être reconquises par des souffrances et des révolutions.

    La commune rurale était restée intacte, pendant que les tzargi minaient les franchises des villes et des campagnes. Son tour vint mais ce ne fut point la commune, ce fut le paysan qu'on écrasa. Nous rencontrons au commencement du XVIIe siècle une loi du tzar Godounoff qui règle et limite les droits du paysan de passer des terres d'un seigneur sur les terres d'un autre. Cette-loi ne mettait même pas en doute les droits de migration, encore; moins la liberté individuelle des paysans; elle ne fut motivée que par des raisons économiques assez plausibles au point de vue gouvernemental. Les paysans abandonnaient les terres des pauvres propriétaires et affluaient sur les terres des seigneurs riches; les contrées fertiles étaient encombrées, tandis que les-terrains stériles manquaient de bras. Le tzar Godounoff, usurpateur adroit et détesté des grands seigneurs, flattait en outre par cette loi les petits propriétaires. Tel a été le premier pas vers le servage.

    ôt, le même prince fit une autre loi à peine concevable; pour la rendre intelligible, il faut dire qu'anciennement le nombre-des serfs en Russie était très restreint: c'étaient ou des prisonniers de guerre ou des esclaves achetés en pays étrangers (kholopi), ou enfin des hommes qui se vendaient eux-mêmes avec leurs descendants (kabalny ludi). Ces gens n'avaient rien de commun ni avec le paysan, ressortissant de la commune et cultivant la terre-seigneuriale, ni avec les serviteurs libres des boyards. Ces derniers étaient souvent renvoyés en grand nombre par les maîtres et allaient se répandre en mendiants ou voleurs de grande route, ou bien, joignaient les brigands de la Volga et les Cosaques du Don, ces receleurs de tous les vagabonds et de tous les gens en guerre avec la société. Boris, toujours en garde, craignait cette masse mécontente et affamée; pour mettre fin à ces inconvénients, et pour être sûr que ces hommes fussent nourris pendant la famine et ne se dispersassent pas, il décréta que les domestiques qui reseraient un temps donné chez leurs maîtres, seraient leurs serfs-t ne pourraient ni les quitter, ni être renvoyés. C'est ainsi que des milliers d'hommes tombèrent dans l'esclavage presque sans s'en apercevoir. Les désertions et les fuites ne diminuèrent pas; il serait difficile de préciser combien de soldats cette loi procura aux bandes de Démétrius, de Gohsefski, de Jolkefski, du hetman des Zaporogues et de tous les condottieri qui dévastaient la Russie au commencement du XVIIe siècle. Depuis le règne de Boris jusqu'à Catherine II, un mouvement sourd et sombre agita Je peuple des campagnes, et la révolte de Pougatcheff est aujourd'hui encore vivante dans sa mémoire.

    Chaque seigneur répéta en petit le rôle du grand prince de Moscou, et, de même que les villes avaient perdu leurs libertés parce qu'elles restaient dans le vague des usages, la commune dans sa lutte avec le seigneur eut le dessous contre le principe de l'autorité et de l'individualisme, plus énergique et plus égoïste qu'elle. Le tzarisme, basé lui-même sur un pouvoir illimité, devait nécessairement protéger les attentats des seigneurs, en anéantissant les défenseurs naturels des paysans, les jurés, en soutenant le seigneur dans toutes ses contestations avec le paysan. Cependant la loi ne précisait et ne sanctionnait rien, il n'y avait qu'abus de la part du gouvernement et passivité de la part du peuple.

    Ce fut dans cet état de choses que le premier recensement ordonné par Pierre Ier, en 1710, fournit un terrain légal à ces abus monstrueux, et ce fut lui, le civilisateur de la Russie, qui les sanctionna. Il serait difficile de déterminer les raisons qui le firent agir de la sorte. Fut-ce une faute, une rancune ou bien un fait providentiel? Ainsi que Pierre Ier fut le représentant du tzarisme et de la révolution, de même le seigneur devint le représentant d'un pouvoir inique en même temps que le véritable levain révolutionnaire. Pierre Ier a entraîné l'Etat dans le mouvement, et le seigneur entraînera directement ou indirectement la commune indolente et passive dans la révolution. Ce ferment sera dissous, sans nul doute, mais ce ne sera qu'après avoir consommé la perte de l'absolutisme. La commune, ce produit du sol, assoupit l'homme, absorbe son indépendance, elle ne peut ni s'abriter du despotisme, ni émanciper ses membres; pour se conserver, elle doit subir une révolution.

    Toutes les libertés communales périssaient de fait devant l'individualité prononcée des tzars de Moscou, mais par bonheur, la lignee des tzars aboutit à Pierre, qui fut le véritable représentant du principe révolutionnaire latent dans le peuple russe. Pierre I ainsi que l'a dit un jeune historien, fut la première individualite russe qui osât se poser d'une manière indépendante. Un rôle semblable revient à la noblesse russe: elle représente le principe individuel en regard de la commune, et partant, l’opposition à l'absolutisme.

    ’elle se soulève. La commune qui s'est maintenue à travers des siècles est indestructible. Pierre Ier, en détachant complètement la noblesse du peuple et en la dotant d'un pouvoir terrible à l'égard des paysans, déposa au fond de la vie populaire un antagonisme qui ne s'y trouvait point, ou qui ne s'y trouvait au'à un faible degré. Cet antagonisme aboutira à une revolution sociale, et il n'y a pas de Dieu au Palais d'hiver qui puisse détourner cette coupe de la destinée de la Russie.

    – не что иное, как история эмбрионального развития славянского государства; до сих пор Россия только устраивалась. Все прошлое этой страны, с IX века, нужно рассматривать как путь к неведомому будущему, которое начинает брезжить перед нею.

    Подлинную историю России открывает собой лишь 1812 год; все, что было до того, – только предисловие.

    Россия IX века представляется государством совершенно иного склада, чем государства Запада. Народонаселение в большинстве своем принадлежало к однородной расе, рассеянной по весьма обширной и малонаселенной территории. Того различия, которое наблюдается повсюду между племенем завоевателей и покоренными племенами, здесь не было. Слабые, несчастные племена финнов, разбросанные и словно затерянные среди славян, прозябали вне всякого движения – в безропотной ли покорности, в дикой ли своей независимости; никакого значения для русской истории они не имели. Норманны (варяги), давшие России княжеский род, который правил ею без перерыва до конца XVI столетия, были скорее организаторами, чем завоевателями. Призванные новгородцами, они захватили власть и спустя короткое время распространили ее до Киева[28] едва устроившегося государства.

    В славянском характере есть что-то женственное; этой умной, крепкой расе, богато одаренной разнообразными способностями, не хватает инициативы и энергии. Славянской натуре как будто недостает чего-то, чтобы самой пробудиться, она как бы ждет толчка извне. Для нее всегда труден первый шаг, но малейший толчок приводит в действие силу, способную к необыкновенному развитию. Роль норманнов подобна той, какую позже сыграл Петр Великий при помощи западной цивилизации.

    слова городить) Каждая община представляла собой, так сказать, потомство одной семьи, владевшей своим имуществом нераздельно, сообща, под патриархальной властью какого-либо главы семьи, признанного за старейшину. Чисто монархический характер этого уклада умерялся властью всего мира, иначе говоря – волеизъявлением всех жителей. А поскольку общественный строй в городах был тот же, что и в деревнях, то княжескую власть, разумеется, уравновешивало общее собрание горожан (вече).

    Права горожан ничем не отличались от прав крестьян. Вообще в древней России мы не встречаем какого-либо отдельного, привилегированного, обособленного класса. Там был только народ и одно племя, – вернее, княжеский владетельный род, потомство варяга Рюрика, – совершенно отличное от народа. Члены княжеского рода разделили между собой всю Россию соответственно древности тех ветвей генеалогического дерева, к которым они принадлежали, и собственному старшинству. Государство было подразделено на уделы, не представлявшие собою ничего точно определенного и управлявшиеся своим князем под главенством старейшего в роде, который звался великим князем и уделом своим имел Киев, а позже – Владимир и Москву. Власть великого князя над другими князьями была весьма ограниченной. Они признавали главенство Киева, но ни в какой действительной зависимости от него не находились, и он не являлся административным центром государства. Уделы отнюдь не рассматривались как личная собственность князей, – они и не могли ею быть, потому что князья часто переходили из одного удела в другой, объединяли несколько в один, получая их по наследству, или же разбивали свою часть на столько долей, сколько было у них сыновей или наследников мужского пола, – бывало и так, что по старшинству они иногда становились великими князьями (наследовал великому князю не старший сын, а брат князя). Легко вообразить, какой простор кровопролитным сражениям и вечным распрям давал этот сложный порядок наследования. Войны между великим князем и удельными князьями продолжались вплоть до установления московской централизации.

    Возле князей мы видим очень узкий круг их товарищей по оружию, их друзей или высших должностных лиц, образующих нечто вроде аристократии, которую весьма трудно обрисовать, ибо она не отличалась никакими определенными, четко выраженными особенностями. Звание боярин было почетным званием; никаких прав оно не давало и даже не было наследственным. Другие звания только указывали на должности; таким образом эта иерархическая лестница неприметно приводила к огромному классу крестьян. Вот почему все эти высшие слои общества пополнялись из народа; потомки варяжских воинов, пришедших с Рюриком, повидимому, принесли с собой идею об установлении института аристократии, но славянский дух изменил ее до неузнаваемости согласно своим патриархальным и демократическим понятиям. Дружина – нечто вроде постоянной гвардии князя – была слишком малочисленна, чтобы сложиться в особый класс. Княжеская власть была отнюдь не той неограниченной властью, какой она стала в. Москве. В действительности князь являлся лишь старейшиною множества городов и деревень, которыми он управлял совместно с общими сходами; однако он обладал тем огромным преимуществом, что не был выборным лицом и разделял верховные права с другими членами рода, к которому принадлежал. Помимо того, великий князь был и верховным судьей всей страны, – власть судебная не отделялась тогда от власти исполнительной. Эта необычная федерация, единство которой выражалось в единстве правящего рода, не нарушаемом ни разделением страны на части, ни отсутствием централизации, – эта федерация, с ее однородным населением, не знающим обособленных классов и различия между городами и деревнями, с общинной формой ее земельной собственности, ничем не напоминала другие государства той же эпохи. Но если русское государство и отличалось столь существенным образом от других государств Европы, это отнюдь не дает права предполагать, что оно стояло ниже их до XIV века. Русский народ в те времена был свободнее народов феодального Запада. С другой стороны, это славянское государство не больше походило и на соседние азиатские государства. Если в нем и были какие-то восточные элементы, то все же во всем преобладал характер европейский. Славянский язык бесспорно принадлежит к языкам индоевропейским, а не к индо-азиатским; кроме того, славянам чужды и эти внезапные порывы, пробуждающие фанатизм всего населения, и это равнодушие, способствующее тому, что одна и та же форма общественной жизни сохраняется долгие века, переходя от поколения к поколению. Хотя у славянских народов чувство личной независимости так же мало развито, как у народов Востока, однако же надобно отметить следующее различие между ними: личность славянина была без остатка поглощена общиной, деятельным членом которой он являлся, тогда как на Востоке личность человека была без остатка поглощена племенем или государством, в жизни которых он принимал лишь пассивное участие.

    – страной европейской; эта двойственность вполне соответствовала ее характеру и ее судьбе, которая, помимо всего прочего, заключается и в том, чтобы стать великим караван-сараем цивилизации между Европой и Азией.

    – европейская религия, это религия Запада; приняв его, Россия тем самым отдалилась от Азии, но христианство, воспринятое ею, было восточным – оно шло из Византии. Характер русских славян очень сходен с характером всех других славян, начиная от иллирийцев и черногорцев и кончая поляками, с которыми русские вели столь долгую борьбу. Самой отличительной чертой русских славян (не считая иноземного влияния, которому подверглись различные славянские племена) было непрерывное упорное стремление стать независимым сильным государством. Этой социальной пластичности в большей или меньшей степени не хватает другим славянским народам, даже полякам. Стрёмление устроить и расширить государство возникает ещё во времена первых князей, пришедших в Киев; через тысячу лет оно снова проявилось в Николае. Стремление это узнаешь и в неотступной мысли овладеть Византией, и в том одушевлении, с каким поднялся весь народ (в 1612 и в 1812 годах) на защиту своей национальной независимости. Сыграл ли здесь роль инстинкт или унаследованный дух норманнов, а быть может, то и другое вместе, но здесь причина того неоспоримого факта, что Россия, единственная среди всех славянских стран, могла сложиться в стройное, могучее государство. Иноземное влияние даже способствовало так или иначе этому развитию, облегчая централизацию и предоставляя правительству средства, которых у последнего не было.

    После норманнского первым иноземным элементом, примешавшимся к русской национальности, был византийский. Пока наследники Святослава лелеяли мечту о завоевании восточного Рима, этот Рим предпринял и завершил их духовное подчинение. Обращение России в православие является одним из тех важных событий, неисчислимые последствия которых, сказываясь в течение веков, порой изменяют лицо всего мира. Не случись этого, нет сомнения, что спустя полстолетия или столетие в Россию проник бы католицизм и превратил бы ее во вторую Хорватию или во вторую Чехию.

    Приобретенное влияние на Россию являлось огромной победой для угасающей византийской империи и для византийской церкви, униженной своей соперницей. Отлично понимая это, константинопольское духовенство, со свойственным ему коварством, окружало князей монахами и само намечало глав духовной иерархии. Итак, наследник, защитник, мститель за все, что претерпела в прошлом или претерпит в будущем греческая церковь, был найден, но не в лице Анатолии или Антиохии, а в лице народа, страна которого простиралась от Черного моря до Белого.

    Греческое православие связало нерасторжимыми узами Россию и Константинополь; оно укрепило естественное тяготение русских славян к этому городу и подготовило своей религиозной победой грядущую победу над восточной столицей единственному могущественному народу, который исповедует греческое православие.

    своих «Восточных фрагментах», каким радостным возбуждением было охвачено греческое духовенство, когда стала слышна пушечная пальба Паскевича под Трапезундом, как ждали монахи Haygyon-Horos и Афона своего православного освободителя. Турецкое господство было, вероятно, больше на пользу, чем во вред той развязке, которую мы предвидим. Католическая Европа не оставила бы в покое Восточную Римскую империю в продолжение четырех последних столетий. Было уже время, когда латиняне господствовали над Восточной империей. Они бы, вероятно, сослали императоров в какой-нибудь глухой уголок Малой Азии, а Грецию обратили бы в католичество. Россия тех времен не была бы в силах помешать западным государствам захватить Грецию; таким образом, завоевание Константинополя турками спасло его от папского владычества. На первых порах иго турок было жестоким, безжалостным, кровавым; когда же они перестали чего-либо опасаться, они позволили покоренным народам безбоязненно исповедовать свою религию и следовать своим обычаям, – так прошли последние четыре столетия. С тех пор Россия возмужала, Европа состарилась, а сама Высокая Порта успела пережить султана-реформатора и потерю отложившейся Морей.

    Вскоре к византийскому влиянию добавилось другое, еще более чуждое гладному духу, – влияние монгольское. Татары пронеслись над Россией подобно туче саранчи, подобно урагану, сокрушавшему все, что встречалось на его пути. Они разоряли города, жгли деревни, грабили друг друга и после всех этих ужасов исчезали за Каспийским морем, время от времени посылая оттуда свои свирепые орды, чтобы напомнить покоренным народам о своем господстве. Внутреннего же строя государства, его администрации и правительства кочевники-победители не трогали. Они не только предоставили населению свободно исповедовать греческую веру, но ограничили свою власть над русскими князьями лишь требованием признать татарское владычество, являться к ханам за своей инвеститурой и платить установленную дань. Монгольское иго тем не менее нанесло стране ужасный удар: материальный ущерб после неоднократных опустошений привел к полному истощению народа – он согнулся под тяжким гнетом нищеты. Люди бежали из деревень, бродили по лесам, никто из жителей не чувствовал себя в безопасности; к податям прибавилась выплата дани, за которою, при малейшем опоздании, приезжали баскаки, обладавшие неограниченными полномочиями, и тысячи татар и калмыков. Именно в это злосчастное время, длившееся около; двух столетий, Россия и дала обогнать себя Европе. У преследуемого, разоренного, всегда запуганного народа появились черты хитрости и угодливости, присущие всем угнетенным: общество пало духом, готово было рушиться самое единства государства, повсюду возникали глубокие трещины: южная Россия стала все больше отдаляться от центральной – часть ее тяготела к Польше, другая находилась в подчинении у литовцев. Московские великие князья перестают заботиться о Киеве. Украина наводняется вольными казаками, этими вооруженными ватагами людей, образующими военные республики, которые пополнялись беглецами и переселенцами со всех концов России, не признававшими никакой верховной власти. Новгород и Псков, защищенные от монголов расстоянием и непроходимыми болотами, добивались независимости от центральной России или господства над нею. В самом сердце государства, в наиболее разоренной его части, появился новый город, который, не пользуясь ни влиянием, ни известностью, гордо притязал на звание столицы России. Казалось, этот город, затерянный в дебрях хвойных лесов, лишен всякой будущности, но именно там и завязался центральный узел русской жизни.

    После того как великие князья оставили Киев, характер их власти переменился. Во Владимире они стали более самовластными. На свои уделы князья начали смотреть, как на свою собственность, а на свои права – как на нечто неотъемлемое, потомственное. В Москве князья изменили порядок наследования: наследником стал считаться уже не старший брат, а старший сын. Они все больше и больше урезали уделы других членов княжеского рода. Народное начало не могло быть сильным в молодом городе, не имевшем ни преданий, ни обычаев. Это-то больше всего и привлекало князей к Москве. Деятельностью всех московских князей руководила идея объединения всех частей государства в одно целое. Начало этому положил Иван Калита – тип государя той эпохи; дальновидный, лукавый, ‘ коварный и ловкий, он старался заручиться покровительством монголов, подкупая их величайшей своей покорностью, и в то же время завладевал всем, чем мог, пользуясь всеми средствами для увеличения своего могущества. Москва развивалась с неслыханной быстротой. Настойчивым усилиям князей помогло и ее географическое положение. Москва являлась подлинным центром Великороссии: ей были подвластны находившиеся от нее на небольшом – от ста пятидесяти до двухсот километров – расстоянии города Тверь, Владимир, Ярославль, Рязань, Калуга и Орел, а на более дальних расстояниях – Новгород, Кострома, Воронеж, Курск, Смоленск, Псков и Киев.

    Необходимость централизации была очевидна, без нее не удалось бы ни свергнуть монгольское иго, ни спасти единство государства. Мы не думаем все же, что московский абсолютизм был единственным средством спасения для России.

    в коей мере не признаем фатализма, который усматривает в событиях безусловную их необходимость, – это абстрактная идея, туманная теория, внесенная спекулятивной философией в историю и естествознание. То, что произошло, имело, конечно, основания произойти, но это отнюдь не означает, что все другие комбинации были невозможны: они оказались такими лишь благодаря осуществлению наиболее вероятной из них – вот и все, что можно допустить. Ход истории далеко не так предопределен, как обычно думают.

    возьмет верх: князь или община, Москва или Новгород. Свободный от монгольского ига, великий и могучий Новгород, привыкший считать себя суверенным, богатый благодаря оживленной торговле, которую он вел с ганзейскими городами, метрополия, имевшая широкую разветвленную сеть владений по всей России, – Новгород всегда ставил права общины выше прав князя. Москва, – удел, верный своим князьям, – поднявшаяся милостью монголов на развалинах древних городов, заселенная племенем, никогда не знавшим настоящей общинной свободы Киевского периода, – Москва одержала верх. Но у Новгорода также были основания надеяться на победу, этим и объясняется ожесточенная борьба между обоими городами, как и зверства, совершенные Иваном Грозным в Новгороде. Россия могла быть спасена путем развития общинных учреждений или установлением самодержавной власти одного лица. События сложились в пользу самодержавия, Россия была спасена; она стала сильной, великой – но какой ценою? Это самая несчастная, самая порабощенная из, стран земного шара; Москва спасла Россию, задушив все, что было свободного в русской жизни.

    Московские великие князья сменили свой титул на титул царя всея Руси. Скромный титул великого князя более не удовлетворял их, он слишком напоминал им о Киевской эпохе и о вече. К этому времени последний император Византии пал, сраженный под стенами Константинополя. Иван III сочетался браком с Софьей Палеолог, и двуглавый орел, изгнанный из Константинополя, появился на знамени московских царей. Греческие монахи пророчествовали по всему христианскому Востоку, что час возмездия недалек и что придет оно с севера: византийское духовенство боялось, как худшего из всех несчастий, помощи латинян и уповало только на русских царей. Тогда-то оно и принялось с новым рвением византинизироватъ русское правительство. Само собой разумеется, что духовенство желало устроить Россию по образцу государства Комненов и Палеологов, превратив ее в безгласное, послушное слепой вере, лишенное света знания государство, над которым возносилась бы фигура царя, хотя и обожествленного, но сдерживаемого властью церкви.

    Оправившись мало-помалу от учиненного монголами разгрома, русский народ очутился лицом к лицу с царем, с неограниченной монархией, гнет которой был особенно тяжким благодаря влиянию, приобретенному ею под сенью ханской власти. Царь успел объединить большую часть уделов, включив их в свою московскую вотчину. Он стал могущественнее всех других князей, вместе взятых, и населения городов. Найдя крамольников, будь это князья или города, он подчинял их своей власти с кровожадной жестокостью. Новгород крепко держался, но в конце концов пал; большой колокол, сзывавший народ на площадь, – так называемый вечевой колокол, – в качестве трофея был перевезен в Москву, в тот самый город, который совсем еще недавно так презирали новгородцы. Новгородские послы сказали Ивану III: «Ты велишь нам приноровиться к московским законам, но мы не знаем, какие такие московские законы, научи нас, как их знать». Иван IV не забыл этой насмешки. После разграбления Новгорода, взятия Пскова и покорения Твери остальные города не могли и думать о серьезном сопротивлении, тем более что уже претерпели от всяких нашествий, монголов ли, поляков ли, или литовцев. Веча умолкали одно за другим, во всем государстве наступала глубокая тишина, цари становились самодержавными, всемогущими…

    Византинизм – это старость, усталость, безропотная покорность агонии; русский народ был разорен, унижен, у него не хватало энергии: снова стать на ноги, но он был молод и, в действительности, не чувствовал отчаяния, он скорее ушел с поля битвы, нежели был побеждён; потеряв свои права в городах, он сохранил их в недрах сельских общин. Мог ли он живой сойти в могилу подобно Карлу V, и удовольствоваться пышными, торжественными похоронами по обрядам византийской церкви?

    Лжедимитрий старались, еще до Петра I, изменить усыпляющую и тяжелую атмосферу Кремлевского дворца; они сами в ней задыхались. Они видели, что при этом режиме пустых формальностей и действительного рабства страна все более опускалась нравственно, ничто в ней не преуспевало, а местная администрация становилась все более обременительной для подданных, без малейшей выгоды для государства. Они видели, что молитв московского патриарха и чудотворных икон с Афонской горы было недостаточно, чтобы вырвать их из этого преждевременного оцепенения.

    он расширил права и обязанности суда, передав в его ведение уголовные дела, и потребовал, чтобы всякое заключение под стражу производилось лишь с согласия на то суда. Он даже хотел уничтожить должность наместников в областях, предоставив последним само управление под руководством палаты ad hoc[29]. Но общинная свобода, которой нанесли удар его предшественники, не возрождалась по зову всемогущего жестокого царя. Все его замыслы встречали противодействие и остались бесплодными, – так велики были к концу XVI столетия дезорганизация и всеобщее равнодушие. Доведенный отчаянием до бешенства, полный ненависти и отвращения, Иван умножил казни, отличавшиеся изощренной жестокостью. «Я не русский, я немец», – сказал он однажды своему ювелиру, иностранцу по происхождению. Борис Годунов серьезно думал о сближении с Европой, о введении в России западных наук и искусств, об открытии школ; но последнее встретило решительный отпор со стороны духовенства. Оно было покорно всему, но опасалось просвещения, источником коего не было православие. Не легко было и выписать иностранцев, по той причине, что балтийские народы преграждали им путь в Россию. Можно было подумать, что, предчувствуя порабощение их потомков Россией, они перехватывали каждый луч света, устремлявшийся с Запада 'к Московии.

    поддержанной Польшей и казаками. Димитрий, более открыто, чем его предшественник, напал на старинные обычаи и косные нравы России. Он не скрывал ни своего плана реформ, ни своего расположения к польским нравам и римской церкви.

    Московский народ, разжигаемый мятежными боярами, восстал во имя православия и народности, находившихся под угрозой, ворвался во дворец, зверски убил молодого царя, надругался над трупом, сжег его и, зарядив пушку прахом, развеял его по ветру.

    Эти события чрезвычайно усилили начавшееся брожение, которое вызвало теперь лихорадочную деятельность во всем государстве. Россия всколыхнулась от Казани до Невы и Польши… Было ли это бессознательным стремлением народа зажить по-другому или же последней вспышкой отчаяния перед полной пассивностью, когда он предоставил правительству поступать по своему произволу вплоть до наших дней?..

    … Один из них стоял в нескольких верстах от Москвы укрепленным лагерем, окруженный вольными русскими дружинами, польскими войсками и казаками. Области брались за оружие, одни – чтобы идти на защиту Москвы, другие – на помощь претендентам на престол; Кремлевский дворец пустовал, не было ни царя, ни устойчивого правительства. Польский король Сигизмунд хотел навязать России своего сына Владислава; север России занимала шведская армия, желавшая возвести на русский престол одного из своих принцев; народ высказался за князей Шуйских, о которых области и слышать не хотели. Четыре года длились междуцарствие, гражданская война, война с поляками, казаками и шведами при отсутствии какого бы то ни было правительства. Народ положил последние силы на защиту своей политической независимости, он шел на любые жертвы. Нижегородский мясник Минин и князь Пожарский спасли отчизну, но спасли ее только от иностранцев. Народ, уставший от смуты, от претендентов на престол, от войны, от грабежа, хотел покоя любой ценой. Тогда-то и было проведено это поспешное избрание, вопреки всякой законности и без согласия на то народа, – царем всея Руси провозгласили молодого Романова. Выбор пал на него потому, что, благодаря юному возрасту, он не внушал подозрений ни одной партии. То было избрание, продиктованное усталостью.

    – если он и подавал признаки жизни, то лишь образуя шайки разбойников, бродившие вдоль берегов Самары и Волги. Громоздкий механизм неумелого управления подавлял народ; правительство отдавало себе отчет в собственной неспособности и, затрудняясь выйти из создавшегося положения, не взяв за образец Европу, выписывало себе на помощь иностранцев; и тем не менее, из какого-то нелепого противоречия, оно оставалось все таким же замкнутым в исключительной национальности и питало дикую ненависть ко всякому-нововведению.

    Чтобы представить себе московские нравы того времени надо почитать рассказы, написанные Кошихиным, русским дипломатом, который в конце XVII века бежал в Стокгольм. Нельзя не отступить в ужасе перед этой удушливой общественной атмосферой, перед картиной этих нравов, являвшихся лишь безвкусной пародией на нравы Восточной империи. Пиры, торжественные шествия, вечерни, обедни, приемы посланников, переодевание по три или четыре раза на день составляли единственное занятие царей. Их окружала олигархия, лишенная культуры и достоинства. Эти гордые вельможи, кичившиеся должностями, которые занимали их отцы, бывали биты плетьми на царских конюшнях и даже кнутом на площади, сами не считая то за оскорбление. В этом невежественном, тупом и равнодушном обществе не чувствовалось ничего человеческого. Необходимо было выйти из этого состояния или же сгнить, не достигнув зрелости.

    Но как из него выйти, откуда ждать спасения? Ждать его от духовенства, достигшего тогда апогея величия и влияния, разумеется, нельзя было. Народ, поникнув головой, стоял в стороне, – уж не сеченые ли бояре способны были указать ему путь? Очевидно, нет; но когда возникает настоятельная необходимость, всегда найдутся средства удовлетворить ее.

    Революция, которая должна была спасти Россию, вышла из лона самого дома Романовых, дотоле равнодушного и бездеятельного.

    – развитие крепостного права. Никакая история – ни древняя, ни новая – не содержит ничего подобного тому, что произошло с крестьянами в России XVII столетия и что окончательно было утверждено в XVIII веке. Путем простых полицейских мер и незаконных действий помещиков, владевших населенными землями, при попустительстве властей и при инертности самих крестьян – из свободных людей, какими они были, крестьяне все больше становились крепкими земле, неотделимой от нее собственностью помещика. Казалось, все вольности естественного состояния человека, сохраненные дотоле славянами, должны были пройти через ужасное горнило абсолютизма и произвола, чтобы вновь быть завоеванными в страданиях и революциях.

    Пока цари вели подкоп под вольности городов и деревень, сельская община оставалась нетронутой. Когда же пришел ее черед, жестоко пострадала отнюдь не община: пострадал крестьянин. К началу XVII столетия относится закон царя Годунова, который изменяет и ограничивает право крестьянина переходить с земель одного помещика на земли другого. Закон этот даже не ставил под сомнение крестьянские права на переселение и еще менее – на личную свободу: он обосновывался лишь экономическими причинами, вполне благовидными с точки зрения правительства. Крестьяне покидали бедных хозяев и бежали на земли богатых владельцев; в плодородных областях был избыток людей, тогда как на бесплодных землях не хватало рук. Кроме того, царь Годунов, ловкий узурпатор престола, вызвавший к себе ненависть крупных землевладельцев, угождал этим законом мелким собственникам. Таков был первый шаг к закрепощению.

    Вскоре тот же государь издал другой закон, почти непостижимый; чтобы сделать его понятным, нужно сказать, что в старину количество рабов в России было очень невелико: ими являлись военнопленные или купленные в чужеземных странах невольники (холопы), или люди, сами запродавшиеся в рабство со своим потомством (кабальные люди). Все они не имели ничего общего как с крестьянином, связанным с общиной и возделывающим землю помещика, так и с вольными слугами бояр. Последние, часто увольняемые в большом числе своими господами, разбредались повсюду, занимаясь нищенством и грабежами на большой дороге, или же присоединялись к волжским разбойникам и донским казакам, которые укрывали у себя всех бродяг и всех людей, враждовавших с обществом. Борис, всегда державшийся настороже, опасался этой вечно недовольной и голодной массы людей; чтобы положить конец такому нежелательному положению вещей и быть уверенным, что эти люди будут сыты во время голода и не разбегутся во все стороны, он издал указ, по которому слуги, прожившие определенное время у своих хозяев, становятся их крепостными и не могут ни покинуть их, ни быть уволенными. Таким образом тысячи людей попали в рабство, сами почти не заметив этого. Все же количество уходов и побегов не уменьшалось; трудно было бы определить, сколько солдат обеспечил этот закон шайкам Димитрия, Гонсевского, Жолковского, гетмана Запорожья и всем condottieri[30], опустошавшим Россию в начале XVII века. Со времен правления Бориса и до Екатерины II глухое, тайное брожение волновало в деревнях народ, и до сих пор еще живет в его памяти пугачевское восстание.

    была побеждена принципом власти и личного начала, более деятельных и эгоистичных, нежели она. Царизм, сам опиравшийся на неограниченную власть, по необходимости должен был покровительствовать покушению помещиков на права крестьян, разгоняя естественных защитников крестьянства – целовальников и поддерживая помещика во всех его спорах с крестьянином. Тем не менее закон ничего точно не определял и не утверждал, налицо были только злоупотребление со стороны правительства и пассивность со стороны народа.

    дал на них свое изволение. Трудно было бы определить причины, побудившие его к такой мере. Была ли это ошибка, месть или же нечто предопределенное свыше? Но подобно тому, как Петр I представлял собою и царизм, и революцию, помещик стал олицетворением несправедливой власти и, одновременно, подлинной революционной закваской. Петр I привел государство в движение, а помещик прямо или косвенно приведет бездеятельную, тяжелую на подъем общину к революции. Вне всякого сомнения, это бродильное вещество разложится в конце концов, но не раньше, чем завершится гибель абсолютизма. Община – это детище земли – усыпляет человека, присваивает его независимость, но она не в силах ни защитить себя от произвола, ни освободить своих людей; чтобы уцелеть, она должна пройти через революцию.

    Все общинные вольности фактически погибали в столкновении с четко выявленной индивидуальностью московских царей, но, к счастью, потомство их дало Петра – подлинное воплощение революционного начала, скрытого в русском народе. Петр I, как выразился один молодой историк, был первой русской личностью, дерзнувшей поставить себя в независимое положение. Подобную же роль играет теперь русское дворянство: по отношению к общине оно представляет собой личное начало, а следовательно, и оппозицию абсолютизму.

    и пожаловал ему страшную власть над крестьянами, он поселил в народе глубокий антагонизм, которого раньше не было, а если он и был, то лишь в слабой степени. Этот антагонизм приведет к социальной революции, и не найдется в Зимнем дворце такого бога, который отвел бы сию чашу судьбы от России.

    3. On a beaucoup discouru sur la manière dont les Varègues se sont établis en Russie, question tout historique qui ne nous intéresse que médiocrement. La grande importance de la version de Nestor consiste à faire vère dont on envisageait l'invasion varègue au XIIe siècle, et il faut avouer qu'elle seule met au jour le rôle véritable des Normands.

    указывается, как в XII столетии рассматривали нашествие варягов, и надо признать, что лишь она одна разъясняет истинную роль норманнов.

     

    30. кондотьерам (итал.).