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    Арцыбашев (artsybashev.lit-info.ru)
  • Du développement des idées révolutionnaires en Russie (О развитии революционных идей в России).
    VI. Vi panslavisme moscovite et européisme Russe ( VI. Московский панславизм и русский европеизм )

    VI. Vi panslavisme moscovite et européisme Russe

    Le temps de la réaction contre la réforme de Pierre Ier était venu,non seulement pour le gouvernement, qui reculait devant son propre principe-et reniait la civilisation occidentale, au nom de laquelle Pierre Ier avait foulé aux pieds la nationalité, mais encore pour les hommes que le gouvernement avait détachés du peuple, sous prétexte de civilisation, et qu'il commença à pendre lorsqu'ils furent civilisés.

    Le retour aux idées nationales conduisait naturellement à une question dont le simple énoncé contenait déjà la réaction contre la période de Pétersbourg. Ne faut-il pas ohercher une issue à la déplorable situation dans laquelle nous nous voyons, en nous rapprochant du peuple que nous méprisons sans le connaître? Ne fallait-il pas revenir à un ordre de choses plus conforme au caractère slave et quitter la voie de la civilisation exotique et forcée? Question grave et d'un intérêt actuel. Mais à peine fut-elle posée, qu'il se trouva un groupe d'hommes, qui, donnant de suite une solution positive, formèrent un système exclusif dont ils firent, non seulement une doctrine, mais une religion. La logique de la réaction est rapide comme celle des révolutions.

    La plus grande erreur des Slavophiles fut d'avoir vu une réponse dans la question même, et d'avoir confondu la possibilité avec la réalité. Ils pressentaient qu'ils étaient sur le chemin qui mène à de grandes vérités et qui doit changer notre manière d'envisager les événements contemporains. Mais, au lieu d'aller en avant et de travailler, ils s'en tenaient à ce pressentiment.

    ère, en faussant les faits, ils ont faussé leur propre entendement. Leur jugement n'était plus libre, ils ne voyaient plus de difficultés, tout leur paraissait résolu, tranché. Ils ne cherchaient pas la vérité mais des objections à leurs antagonistes.

    Les passions se mêlèrent à la polémique. Les Slavophiles exaltés se ruèrent avec acharnement sur toute la période de Pétersbourg, sur tout ce qu'a fait Pierre le Grand, et enfin, sur tout ce qui était. européisé, civilisé. On peut comprendre et justifier cet entraînement comme un acte d'opposition, mais par malheur, cette opposition alla trop loin, et se vit alors, d'une manière étrange, placée du côté du gouvernement contre ses propres aspirations à la liberté.

    Après avoir décidé a priori que tout ce qui était venu des Allemands ne valait rien, que tout ce qui avait été introduit par Pierre Ier était détestable, les Slavophiles revinrent à l'admiration des formes étroites de l'Etat moscovite et, abdiquant leur propre raison et leurs propres lumières, ils coururent s'abriter avec ferveur sous la croix de l'église grecque. Nous autres ne pouvions leur concéder de pareilles tendances, d'autant plus que les Slavophiles s'abusaient étrangement sur l'organisation de l'Etat moscovite et prêtaient à l'orthodoxie grecque une importance qu'elle n'a jamais eue. Remplis d'indignation contre le despotisme, ils arrivaient à un esclavage politique et moral; avec toutes les sympathies pour la nationalité slave, ils sortaient, par une porte opposée, de cette même nationalité. L'orthodoxie grecque les entraînait vers le byzantisme, et, en effet, ils se dirigeaient rapidement vers cet abîme de stagnation dans lequel ont disparu les vestiges du monde ancien. Si les formes et l'esprit de l'Occident ne convenaient pas à la Russie, qu'y avait-il de commun entre elle et l'organisation du Bas-Empire? Où le lien organique entre les Slaves, barbares par jeunesse, et les Grecs, barbares par décrépitude s'est-il manifesté? Et enfin qu'est-ce que cette Byzance si ce n'est Rome, la Rome de la décadence, Rome sans réminiscences glorieuses, sans remords? Quels nouveaux principes Byzance a-t-elle apportés à l'histoire? Est-ce l'orthodoxie grecque? Mais elle n'est que le catholicisme apathique; les principes sont tellement les mémos, qu'il a fallu sept siècles de controverses et de dissensions pour faire croire à des différences de principes. Est-ce l'organisation sociale? Mais elle était basse dans l'empire oriental sur l'autorité absolue, sur l'obeissance passîve,sur l'absorption complète de l'individu par l'Etat, de l'Etat par l'empereur.

    Fst ce-qu'un tel Etat pouvait communiquer une vie nouvelle a un peuple jeune? Les Slaves occidentaux du Midi ont et dans un contact prolongé avec les Grecs du Bas-Empire, qu est-ce qu’ils y ont gagne?

    On a deja oublie ce qu'étaient ces troupeaux d'hommes parqués par les empereurs grecs, sous la bénédiction des patriarches de Constantinople. Il suffit de jeter un coup d'œil sur les lois de lèse-majesté, recemment si bien imitées par l'empereur Nicolas et son jurisconsulte Hube, pour apprécier cette casuistique de la servitude cette philosophie de l'esclavage. Et ces lois ne concernât que le temporeil venaient ensuite les lois canoniques qui reglaient les mouvements, la forme des habits, la nournture et le rire. On se figure ce que devenait l'homme pris dans le doube le de l'Etat et de l'église, continuellement tremblant et menacé ici par le juge sans appel et le bourreau obéissant, la par le prêtre agissant au nom de Dieu et par les épithermes qui liaient dans ce monde et dans l’autre.

    ’influence bienfaisante de l'église orientale?

    Quel est le peuple qu'elle ait civilise ou emancipe parmi tous ceux qui l'ont acceptée, depuis le IVme siecle jusq’a nos jours. Est-ce l'Arménie, la Géorgie, sont-ce les peuplades de Asie Mineure, les pauvres habitants de Trebisonde?Est-ce enfin la Morée? On nous dira peut-être que l'église ne pouvait rien faire de ces peuples usés, corrompus sans avenir. Mais les Slaves race saine de corp et d’ame, y ont gagne quelque chose? L’église orientalle s’introduisait en Russie ál’époque florissante et sereine de Kiev, sous le grand prince Vladimir. Elle l’a conduit au temps triste et abjekt par Kochikhine, elle a beni et sanctionne toutes les mesures prises contre la liberté du peuple. Elle, a enseigné aux tzars le despotisme byzantin, elle a prescrit au peuple une obéissance aveugle, même lorsqu'on l'attachait a la glebe et qu'on le courbai au servage. Pierre le Grand paralysa1 influence du clergé; ce fut un de ses actes les plus importants; et 1 on voudrait la ressusciter?

    Le slavisme qui n'attendait le salut de la Russie que de la réhabilitation du régime byzantino-moscovite n'émancipait pas mais liait; n'avançait pas, mais reculait. Les Européens, ainsi que les appelaient les Slavophiles, ne voulaient pas échanger un collier d'esclavage allemand contre un collier slavo-orthodoxe ils voulaient se libérer de tous les colliers possibles. Il ne s'efforçaient pas de rayerles temps qui s'étaient écoulés depuis Pierre Ier, les efforts d'un siècle si dur, si rempli de fatigues. Ce qu'on avait obtenu par tant de souffrances, par des torrents de sang, ils ne voulaient pas l'abdiquer pour revenir à un ordre de choses étroit, à une nationalité exclusive, à une église stationnaire. Les Slavophiles avaient beau dire comme les légitimistes, qu'on pouvait en prendre le bon côté et laisser le mauvais. C'était une erreur fort grave, ils en commettaient une autre qui est commune à tous les réactionnaires. Adorateurs du principe historique, ils oubliaient constamment que tout ce qui s'était passé depuis Pierre Ier était aussi de l'histoire, et qu'aucune force vivante, pour ne pas parler des revenants, ne pouvait effacer les faits accomplis, ni éliminer leurs suites.

    Tel est le point de vue duquel partit une vive polémique contre les Slavophiles. A côté d'elle, les autres intérêts, qui se débattaient dans les journaux, descendirent au second rang. La question, en effet, était palpitante d'intérêt.

    Sénkofski lança une nuée de ses flèches les plus acerbes dans le camp des Slavophiles avec une adresse parfaite. Satisfait des éclats de rire qu'il provoqua contre ses victimes, il se retira avec orgueil. Il n'était pas fait pour une polémique sérieuse. Mais un autre journaliste releva la mitaine[15] ée à Moscou, et déroula bravement le drapeau de la civilisation européenne contre la lourde bannière, à l'image de la vierge byzantine, que portaient les Slavophiles.

    Ce lutteur, qui parut à la tête des Annales patriotiques, ne prédisait pas de grands succès aux Slavophiles. C'était un homme de talant et d'énergie, qui avait, lui aussi, des convictions fanatiques, un homme audacieux, intolérant, irascible et nerveux: Bélinnski.

    Son propre développement est très caractéristique pour le milieu dans lequel il a vécu. Né dans la famille d'un pauvre fonctionnaire d'une ville de province, il n'en emporta aucun souvenir consolant. Ses parents étaient durs, incultes, comme tous les gens de cette classe dépravée. Bélinnski avait dix ou onze ans, lorsque un jour son père, rentrant à la maison, se mit à le gronder. L'enfant voulut se justifier. Le père furieux le frappa, le renversa par terre. Le garçon se leva métamorphosé: l'offense, l'injustice avaient brisé en lui à la fois tous les liens de parenté. La pensée de la vengeance l'occupa longtemps; mais le sentiment de sa propre faiblesse la changea en cette haine contre toute autorité de famille qu'il conserva jusqu'à la mort.

    C'est ainsi qu'a commencé l'éducation de Bélinnski. La famille l’émancipa par les mauvais procédés, la société par la misère. Jeune homme nerveux et maladif, peu préparé pour les études académiques, il ne fit rien à l'Université de Moscou, et, comme il y fut élevé aux frais de la couronne, on l'en exclut en disant: «Facultés faibles et point d'application». Avec cette note humiliante, le pauvre jeune homme entra dans la vie, c'est-à-dire, fut mis à la porte de l'Université au milieu d'une grande ville, sans un morceau de pain et sans les moyens d'en gagner. Il fit alors la rencontre de Stankévitch et de ses amis qui le sauvèrent.

    Stankévitch, mort jeune il y a une dizaine d'années en Italie, n'a rien fait de ce qu'on inscrit dans l'histoire, et pourtant il y aurait de l'ingratitude à le passer sous silence, lorsqu'on parle du développement intellectuel en Russie.

    évitch appartenait à ces natures larges et sympathiques dont l'existence seule exerce une grande action sur tout ce qui les entoure. Il a répandu, parmi la jeunesse de Moscou, l'amour de la philosophie allemande, introduite à l'Université de cette ville Par un professeur distingué, Pavloff. C'est Stankévitch qui dirigea les études d'un cercle d'amis, qui reconnut le premier les facultés spéculatives de notre ami Bakounine et qui le poussa à l'étude de Hegel; c'est lui aussi qui rencontra Koltzoff dans le gouvernement de Voronèje, l'amena à Moscou et l'encouragea. Stankévitch apprécia à sa juste valeur l'esprit ardent et original de Bélinnski. Bientôt la Russie entière rendit justice au talent audacieux du publicist taxé d'incapacité par le curateur de l'Université de Moscou.

    Bélinnski se mit avec acharnement àl'étude de Hégel. Son ignorance de la langue allemande, loin de former un obstacle, ne fit que faciliter ses études: Bakounine et Stankévitch se chargèrent de lui faire part de ce qu'ils savaient sur ce sujet et le firent avec tout l'entraînement de la jeunesse et toute la clar té de l'esprit russe. Il ne lui fallait au reste que des indices pour atteindre ses amis. Une fois maître du système de Hegel, il s'insurgea le premier entre ses adeptes moscovites, sinon contre Hegel lui-même, au moins contre la manière de l'entendre.

    Belinnski était complètement libre des influences que nous subissons lorsque nous ne savons pas nous en défendre. Séduite par la nouveauté, nous acceptons dans notre première jeunesse une foule de choses de mémoire, sans les vérifier par l'entendement. Ces réminiscences, que nous prenons pour des vérités acquises, lient notre indépendance. Bélinnski commença ses études par la philosophie, et cela à l'âge de vingt-cinq ans. Il aborda la science avec des questions sérieuses et une dialectique passionnée. Pour lui, les vérités, les résultats n'étaient ni des abstractions ni des jeux d'esprit, mais des questions de vie ou de mort; libre de toute Influence étrangère, il entra dans la science avec plue de sincérité; il ne chercha à rien sauver du feu de l'analyse et de la négation, et tout naturellement, il se révolta contre les demi-solutions, les conclusions timides et les lâches concessions. Tout cela n'est plus nouveau, après le livre de Feuerbach et la propagande faite par le journal d'Arnold Ruge, mais il faut se rapporter au temps antérieur à 1840. La philosophie hégélienne était alors sous le charme de ces tours de passe-passe dialectiquos qui faisaient reparaître la religion dissoute et démolie par la Phénoménologieet la Logique, dans la Philosophie de la Religion. C'était ie tempe où l'on était encore enchanté que la langue philosophique eût atteint une telle perfection que les initiés voyaient l'athéisme là, où les profanes trouvaient la foi.

    Cette obscurité préméditée, cette retenue circonspecte ne pouvaient manquer de provoquer une opposition acharnée de la part d'un homme sincère, Bélinnski, étranger à la scolastique, libre de la pruderie protestante et des convenances prussiennes, etait indignéde cette science pudique, qui mettait une feuille de vigne sur ses vérites.

    Un jour après avoir combattu pendant des heures entières le panthéisme timoré des Berlinois, Bélinnski se leva en disant de savoix palpitante et convulsive: «Voue voulez me faire accroire que le but de l'homme soit d'amener l'esprit absolu à la conscience de lui-même, et vous vous contentez de ce rôle; quant à moi, je ne suis pas assez imbécile pour servir d'organe involontaire à qui que ce soit. Si je pense, si je souffre, c'est pour moi-même. Votre esprit absolu, s'il existe, est pour moi un étranger. Je n'ai pas à le connaître, car je n'ai avec lui rien de commun».

    ès qu'on avait commencé à prêcher l'absurdité du dualisme, le premier homme de talent en Russie qui s'occupât de la philosophie allemande s'aperçut qu'elle n'était réaliste que sur parole, qu'elle restait au fond une religion terrestre, une religion sans ciel, un couvent logique où on fuyait le monde pour se plonger dans les abstractions.

    L'activité publique de Bélinnski ne date que de 1841. Il s'empara alors de la direction des Annales patriotiquesde Petersburg et domina le journalisme pendant six années. Il tomba,comme un guerrier, avec le journalisme russe. Il est mort en 1848, exténué de fatigue, abreuvé de dégoûts et en proie à la plus grande misère.

    Bélinnski a beaucoup fait pour la propagande. Toute la jeunesse studieuse se nourrissait de ses articles: il forma le goût esthétique du public, il donna de la vigueur a la pensée. Sa critique pénétrait plus avant que celle de Polévoï, soulevant d'autres questions et d'autres doutes. On l'a peu apprécié; il y avait, lui vivant, trop d'amour-propres blessés, trop do vanités froissées; après sa mort, le gouvernement défendit d'écrire à son sujet, et c'est ce qui m’a déterminé à m'étendre sur lui plus que sur un autre.

    Son style était souvent anguleux, mais toujours plein d'énergie. Il communiquait sa pensée, comme il la concevait, avec passion. On sent dans chaque mot que cet homme écrit avec son sang, on sent combien il dépense et comme il se consume, maladif, irascible, il ne connaissait de limites ni à l'amour ni à la haine. Il était souvent entraîné, parfois même très injuste, mais il resta toujours sainteement sincère.

    Une collision entre Bélinnski et les Slavophiles était inévitable.

    était un des hommes les plus libres n'étant lié ni par les croyances ni par les traditions; ne dépendant pas de l'opinion publique et n'acceptant aucune autorité-ne craignant ni la colère des amis, ni l'épouvante des belles âmes Il était toujours, en sentinelle de la critique, prêt à dénoncer à flétrir tout ce qu'il croyait réactionnaire. Comment pouvait-il donc laisser en paix les Slavophiles orthodoxes et ultrapatriotes lui qui voyait de lourdes chaînes dans tout ce que les Slavophiles prenaient pour les liens les plus sacrés?

    Parmi les Slavophiles il y eut des hommes de talent, des éru-dits, mais pas un seul publiciste; leur revue (Le Moscovite) n'avait guère de succès. Les hommes de talent de ce parti n'écrivaient presque pas, les hommes incapables écrivaient toujours.

    Les Slavophiles avaient sur les Européens un grand avantage, mais les avantages de ce genre sont pernicieux, ils défendaient l'orthodoxie et la nationalité, tandis que des Européens attaquaient l'une et l'autre; ils pouvaient donc dire presque tout, sauf à recevoir une décoration, une pension, une place de précepteur à la cour ou de gentilhomme de la chambre. Bélinnski, au contraire, ne pouvait rien dire; un mot trop transparent, une parole imprudente pouvaient le mener dans une casemate, compromettre le journal, le rédacteur et le censeur. Mais ce fut là même une raison pour laquelle toutes les sympathies furent acquises à l'écrivain téméraire qui, en face de la forteresse de Pierre et Paul, défendait l'indépendance, et les antipathies furent pour ses adversaires qui montraient le poing abrités par le Kremlin et la cathédrale de l'Assomption, si bien protégés par les «Allemands» de Pétersbourg. Tout ce que Bélinnski et ses amis ne disaient pas, on le devinait, on le suppléait. Tout ce que disaient les Slaves paraissait ou peu délicat ou peu généreux.

    Hâtons-nous d'ajouter que les Slavophiles n'ont cependant jamais été les partisans du gouvernement. Il y a certainement, à Pétersbourg, des panslavistes impériaux et, à Moscou, des Slavophiles ralliés, comme il y a des patriotes russes parmi les Allemands de la Baltique et des Gircassiens pacifiés au Caucase, mais on ne parle pas de telles gens. Ce sont des amateurs de la servitude qui prennent l'absolutisme pour la seule forme civilisée d'un gouvernement, qui prêchent la supériorité des vins du Don sur les vins de la Côte – d'Or et le russicisme aux Slaves occidentaux, en remplissant leur âme de cette noble haine des Allemands et des Magyars qui a si bien servi les Windischgraetz et les Haynau. Le gouvernement, sans reconnaître leur doctrine officiellement, paie leurs frais de voyage et envoie à leurs amis tchekhs et croates les croix holsteinoises de Ste-Anne, préparant pour eux ces embrassements fraternels dans lesquels il a étouffé la Pologne.

    Quant aux véritables Slavophiles, leur bon rapport avec le gouvernement était plutôt un malheur qu'un fait désiré. Mais telles sont les conséquences de toute doctrine basée sur l'autorité. Elle peut être révolutionnaire dans un sens, mais elle est nécessairement conservatrice dans un autre et se trouve par conséquent dans la triste alternative de s'allier à son ennemi ou d'abandonner son principe. Une connivence avec son ennemi suffit pour réveiller la conscience.

    élinnski et ses amis n'ont opposé aux Slaves ni une doctrine ni un système exclusif, mais une vive sympathie pour tout ce qui agitait l'homme contemporain; un amour sans bornes pour la liberté de penser et une haine tout ausi forte contre tout ce qui l'entrave: l'autorité, la force ou la foi. Ils envisageaient la question russe et la question européenne d'une manière tout à fait opposée aux Slavophiles.

    Il leur sembla qu'une des causes les plus graves de l'esclavage où se trouvait la Russie était le manque de l'indépendance personnelle; de là l'absence complète du respect de l'individu, du côté du gouvernement, et d'opposition, du côté des personnes; de là le cynisme du pouvoir et la longanimité du peuple. L'avenir de la Russie sera d'un grand danger pour l'Europe et plein de malheurs pour elle-même, s'il n'entre des ferments émanci-pateurs dans le droit personnel. Un siècle encore du despotisme actuel, et toutes les bonnes qualités du peuple russe seront anéanties.

    Par bonheur, la Russie avait une position extraordinaire, par rapport à cette grave question de l'individualité.

    Pour l'homme de l'Occident, un des plus grands malheurs qui maintiennent l'esclavage, le paupérisme des masses et l'impulsance des révolutions, c'est l'asservissement moral; ce n'est pas un manque de sentiment de l'individualité, mais le manque de clarté dans ce sentiment, faussé qu'il est par les antécédents historiques qui limitent l'indépendance individuelle. Les peuples de l'Europe ont donné tant d'âme et tant de sang pour les révolu, tions passées, qu'elles sont toujours présentes, et que l'individu ne peut faire un pas sans heurter des souvenirs, des fueros plus ou moins obligatoires et reconnus par lui-même: toutes les questions ont déjà été résolues à demi; les mobiles, les relations des hommes entre eux, les devoirs, les moralités et les crimes, tout est déterminé, et cela, non par une force majeure, mais en partie par l'assentiment des hommes. Il s'ensuit que l'individu, au lieu de conserver sa liberté d'action, n'a qu'à se soumettre ou qu'à s'insurger. Ces normes sans appel, ces notions toutes faites traversent l'Océan et s'introduisent dans le pacte fondamental d'une république toute nouvelle; elles survivent au roi guillotiné et se placent tranquillement sur les bancs des Jacobins et à la Convention. On a longtemps pris cette masse de demi-vérités et de demi-préjugés pour des fondements solides et absolus de la vie sociale, pour des résultats immuables et supérieurs au doute. En effet, chacun d'eux a été un véritable progrès, une victoire pour son temps, mais de leur ensemble s'élevèrent peu à peu les murs d'une nouvelle prison. Les hommes pensants s'en aperçurent, au commencement de notre siècle, mais ils virent en même temps toute l'épaisseur de ces murs et tout ce qu'il fallait d'efforts, pour les ébrécher.

    La Russie est dans une tout autre position. Les murs de sa prison sont en bois; élevés par la force brutale, ils céderont au premier choc. Une partie du peuple, reniant tout son passé avec Pierre Ier, a montré quelle puissance de négation elle possède; l'autre, restée étrangère à l'état actuel, a fléchi, mais n'a pas accepté le régime nouveau qui paraît être un bivouac temporaire. On obéit, parce qu'on craint, mais on ne croit pas.

    était évident que, ni l'Europe occidentale, ni la Russie actuelle ne pouvaient aller plus loin dans leurs voies sans rejeter complètement leurs manières d'être politique et morale. Mais l'Europe, comme Nicodème, était trop riche pour sacrifier son grand avoir pour une espérance; les pêcheurs de l'Evangile n'avaient rien à regretter, il leur était facile de changer leurs filets contre une besace. Ce qu'ils avaient c'était une âme vivante pouvant comprendre le Verbe.

    Ce rapport à son passé et à celui de l'Europe dans lequel la Russie était placée, tout était nouveau, et paraissait très favorable au développement de l'indépendance personnelle. Au lieu d'en profiter, on vit paraître une doctrine qui dépouillait la Russie du seul avantage que son histoire lui avait légué. Haïssant, comme nous, le présent de la Russie, les Slavophiles voulaient emprunter au passé des liens dans le genre de ceux qui brident la marche de l'Européen. Ils confondaient l'idée de l'individualité libre avec celle de l'égoïsme rétréci; ils la prenaient pour une idée européenne, occidentale, et, pour nous confondre avec les adorateurs aveugles de la lumière de l'Occident, ils nous présentaient continuellement le tableau terrible de la dissolution européenne, du marasme des peuples, de l'impuissance des révolutions, de l'approche d'une crise sombre et fatale. Tout cela était vrai, seulement ils avaient oublié de nommer ceux dont ils avaient appris toutes ces vérités.

    L'Europe n'avait attendu ni la poésie de M. Khomiakoff, ni la prose des rédacteurs du Moscovite pour comprendre qu'elle était à la veille d'un cataclysme, d'une palingénésie ou d'une dissolution complète. La conscience du dépérissement de la société actuelle, c'est le socialisme, et certes, ni Saint-Simon, ni Fourier, ni ce Samson moderne qui du fond de sa prison[16] fait trembler l'édifice européen, n'ont puisé leurs sentences foudroyantes contre l'Europe dans les écrits de Schaffarick, de Kolar ou de Mickiewicz. Le saint-simonisme a été connu en Russie une dizaine d'années avant qu'il ait été question des Slavophiles.

    Il n'est pas facile à l'Europe, disions-nous aux Slavophiles, de se défaire de son passé; elle le conserve contrairement à ses intérêts, parce qu'elle sait à quel prix on achète les révolutions, et parce qu'il y a beaucoup de choses, dans son état actuel, qui lui sont chères et qui sont difficiles à remplacer. Il est facile de faire la critique de la réformation et de la révolution en lisant leur histoire, mais l'Europe les a dictées et les a écrites avec son propre sang. Elle s'est élevée dans ces grandes luttes par ses protestations, au nom de la liberté de la pensée et des droits de l’homme à cette hauteur de conviction qu'elle ne sait peut-être pas réaliser. Nous autres, nous sommes plus libres du passé, c'est un grand avantage, mais il oblige à plus de modestie. C'est une vertu par trop négative pour être méritoire, et il n'y a que l'ultraroman-tisme pour élever l'absence des vices au rang des bonnes actions. Nous sommes libres du passé, parce que notre passé est vide, pauvre, étroit. Il est impossible d'aimer des choses telles que le tzarisme moscovite ou l'impérialisme pétersbourgeois. On peut les expliquer, on peut trouver, au milieu d'eux, les germes d'un autre avenir, mais il faut avoir la tendance de leur échapper comme à des langes. Reprochant à l'Europe de ne pas savoir dépasser ses institutions, les Slavophiles non seulement ne disaient pas comment ils entendaient résoudre la grande antinomie de la liberté individuelle et de l'Etat, mais ils évitaient même d'entrer dans les détails de cette organisation politique slave, dont ils parlaient sans cesse. Sous ce rapport, ils se renfermaient dans la période de Kiev et s'en tenaient à la commune rurale. La période de Kiev n'a pas empêché celle de Moscou, ni la perte de toutes les libertés. La commune n'a pas sauvé le paysan du servage; loin de nier l'importance de la commune, nous tremblons pour elle, car, au fond, il n'y a rien de stable sans la liberté individuelle. L'Europe ne connaissant pas cette commune, ou l'ayant perdue dans les vicissitudes des siècles passés, l'a comprise, et la Russie, qui la possède depuis mille ans, ne la comprenait pas, tant que l'Europe n'était pas venue lui dire, quel trésor elle recelait dans son sein. On a commencé à apprécier la commune slave lorsque le socialisme a commencé à se répandre. Nous défions les Slavophiles de nous prouver le contraire.

    ésolu l'antinomie entre l'individu et l'Etat, mais au moins elle en a posé la question. La Russie s'approche du problème d'un côté opposé, mais elle non plus ne l'a pas résolu. C'est en présence de cette question que commence notre égalité. Nous avons plus d'espérances, car nous ne faisons que commencer, mais une espérance n'est une espérance, que parce qu'elle peut ne pas se réaliser.

    Il ne faut pas trop sefier à l'avenir, ni dans l'histoire, ni dans la nature. Chaque fœtus n'atteint pas l'âge adulte, tout ce qui se meut dans l'âme ne se réalise pas, quoique tout aurait pu se développer dans d'autres circonstances.

    Peut-on s'imaginer que les facultés, qu'on trouve dans le peuple russe puissent se développer par la servitude, par l'obéissance passive, par le despotisme pétersbourgeois? Une longue servitude n'est pas un fait accidentel, elle correspond naturellement à quelque élément du caractère national. Cet élément peut être absorbé, vaincu par les autres, mais il peut vaincre aussi. Si la Russie peut s'accommoder avec l'ordre des choses existant, elle n'aura pas l'avenir que nous espérons. Si elle continue la route de Pétersbourg, ou si elle retourne à la tradition de Moscou) elle n'aura d'autre vocation que de se ruer sur l'Europe comme une horde demi-barbare et demi-corrompue, de dévaster les pays civilisés et de périr au milieu de la destruction générale.

    Ne fallait-il donc pas chercher par tous les moyens à rappeler le peuple russe à la conscience de sa funeste position, ne fût-ce qu'en forme d'essai, pour se convaincre de l'impossibilité? Et qui donc devait le faire si ce n'est ceux qui représentaient l'intelligence du pays, ces organes du peuple par lesquels il cherchait à comprendre sa propre position? Que leur nombre soit grand ou petit, cela ne change rien. Pierre 1er était seul, les Décem-bristes une poignée d'hommes. L'influence des individus n'est pas aussi minime qu'on est tenté de le croire, l'individu est une force vive, un ferment puissant dont l'action n'est même pas toujours paralysée par la mort. Que de fois ne voit-on pas un mot, dit à propos, faire pencher la balance des peuples, déterminer ou clore des révolutions?

    Au lieu de cela, que faisaient les Slavophiles? Ils prêchaient la soumission, cette première vertu de l'église grecque, cette base du tzarisme moscovite. Ils prêchaient le dédain de l'Occident qui seul pouvait encore éclairer l'abîme de la vie russe; ils prônaient enfin le passé, dont il fallait se défaire, au contraire, pour un avenir désormais commun à l'Orient et à l'Occident.

    évident qu'il fallait s'opposer à une pareille direction des esprits, la polémique se développa en effet de plus en plus. Elle dura jusqu'à l'année 848 et atteignit son point culminant vers la fin de 1847, comme si l'on pressentait que, dans quelques mois, on ne pourrait discuter sur rien, en Russie, et que cette lutte devait pâlir devant la gravité des événements.

    Deux articles surtout exprimèrent les deux opinions contradictoires. L'un, sous le titre de «Développement juridique de la Russie», fut publié dans le Contemporain, à Pétersbourg. L'autre fut une longue réponse d'un Slavophile insérée dans le Moscovite. Le premier article était un exposé clair et énergique basé sur une étude approfondie du droit russe; il développait la pensée que le droit personnel en Russie n'avait jamais atteint une détermination juridique, que l'individu avait été toujours absorbé par la famille, par la commune, et plus tard, par l'Etat et par l'église. La position indéfinie de la personne menait, suivant l'auteur, au même vague dans les autres sphères de la vie politique. L'Etat profitait de ce manque de détermination pour empiéter sur les libertés, de sorte que l'histoire russe fut l'histoire du développement de l'autocratie et de l'autorité, comme l'histoire de l'Occident est l'histoire du développement de la liberté et des droits.

    Le danger du slavisme devient évident dans la réplique du Moscovite qui a puisé ses arguments dans les chroniques slaves, le catéchisme grec et le formalisme hégélien. L'auteur slavophile croit que le principe personnel était bien développé dans l'ancienne Russie, mais que la personne, éclairée par l'église grecque, possédait le don sublime de la résignation et transportait volontairement sa liberté sur la personne du prince. Le prince exprime la compassion, la bienveillance et l'individualité libre. Chacun abdiquait son autonomie personnelle et la sauvait en même temps dans le représentant du principe individuel, le souverain.

    Ce don d'abnégation et le don encore plus grand de ne pas en abuser formaient, selon l'auteur, un accord harmonieux entre le prince, la commune et l'individu; accord admirable qui ne trouve d'autre explication chez l'auteur que la présence extraordinaire du St. Esprit dans l'église byzantine.

    Si les Slavophiles veulent représenter une opinion sérieuse, un côté réel de la conscience publique, une force enfin qui tend à se réaliser dans la vie russe, s'ils veulent quelque chose de plus que des disputes archéologiques et des controverses théologiques, nous avons le droit d'exiger d'eux l'abandon de cet abus immoral de mots, de cette dialectique dépravée. Nous disons «abus immoral» parce qu'il se commet avec une parfaite connaissance de cause.

    étaphoriques qui ne représentent que l'inverse de la question même? Pourquoi ces images, ces symboles, au lieu des choses? Est-ce que les Slavophiles ont étudié les annales du Bas-Empire pour s'inoculer cette lèpre byzantine? Nous ne sommes pas des Grecs du temps des Paléologue pour disputer de l'opus operans et le l'opus operatum, dans un temps où un avenir inconnu et immense frappe à notre porte.

    Leur méthode philosophique n'est pas nouvelle, le côté droit des hégéliens parlait de la même manière, il y a une quinzaine d'années; il n'y a pas d'absurdité qu'on ne puisse faire entrer dans le moule d'une dialectique vide, en lui donnant un aspect profondément métaphysique. Il faut seulement ne pas savoir ou oublier que le contenu et la méthode ont un autre rapport que le plomb et le moule aux balles, et que le dualisme seul ne comprend pas la solidarité qui les lie. L'auteur en parlant du prince n'a fait que paraphraser la définition très connue que Hegel donne de l'esclavage, dans la Phénoménologie (Herr und Knecht). Mais il a oublié avec préméditation comment Hegel sort de ce degré inférieur de la conscience humaine. Il est à remarquer que ce jargon philosophique qui appartient par la forme à la science et par le contenu à la scolastique, se retrouve chez les jésuites. M. Montalembert, en répondant à une interpellation sur les cruautés commises par le gouvernement papal dans les prisons de Rome, a dit: «Vous parlez des cruautés du pape, mais il ne peut pas être cruel, sa position le lui défend, lui, le vicaire de Jésus Christ ne peut que pardonner, qu'être miséricordieux, et effectivement les papes pardonnent toujours. Le St. Père peut être attristé, il peut prier pour le coupable, mais il ne peut être implacable, etc.». – A la demande si l'on applique la torture à Rome, l'on répond que le pape est clément; au raisonnement que nous sommes tous esclaves, que le droit personnel n'est pas développé en Russie, l'on répond: «Nous l'avons sauvé en le plaçant sur la tête du prince». Dérision qui provoque le mépris de la parole humaine! S'appuyer sur la religion n'est guère convenable, mais s'appuyer sur une religion obligatoire l'est encore moins. Chaque auteur a le droit incontestable de croire ce que bon lui semble-mais avoir recours aux preuves théologiques dans une discussion scientifique avec un homme qui tait sa religion, c'est manquer de convenances. Pourquoi s'abriter derrière un fort inexpugnable, contre lequel la moindre attaque mène au cachot?

    D'ailleurs, il est impossible de comprendre comment les Slavophiles, si leur religion leur est vraiment chère, n'ont pas de dégoût pour la méthode hypocrite de la Philosophie de la religion, cette réhabilitation faible et sans foi, ce plaidoyer froid et pâle, où la science orgueilleuse, après avoir mis au tombeau sa sœur, lui jette un sourire de condoléance? Comment ont-ils le courage de traîner ce qu'ils ont de plus sacré, dans des disputes, où l'on ne l'estime pas et où l'on ne le tolère que par respect pour la police!

    Ce n'est pas tout; l'auteur de l'article s'en prend à ses adversaires d'une manière étrange pour leur manque de patriotisme, pour leur peu d'amour de la nation; comme c'est un trait général parmi les Slavophiles, il faut en dire quelques mots. Ils prétendent au monopole du patriotisme, ils se croient plus russes que quiconque; ils nous reprochent continuellement notre indignation contre l'état actuel de la Russie, notre peu d'affection pour le peuple, nos paroles amères et pleines de colère, notre franchise qui consiste à faire voir le côté sombre de la vie russe.

    Il semblerait pourtant qu'un parti qui s'expose à la potence, aux mines, à la confiscation des biens, à l'émigration, ne manquait ni de patriotisme ni de conviction. Le 14 décembre n'a pas été, que nous sachions, l'œuvre des Slavophiles, toutes les persécutions ont été réservées à nous, le sort a jusqu'ici épargné les Slavophiles.

    és, nous reprochons au peuple autant qu'au gouvernement l'état où nous nous trouvons; nous ne craignons pas de dire les vérités les plus dures, mais nous les disons parce que nous aimons. Nous ne fuyons pas du présent dans le passé, car nous savons que la dernière page de l'histoire est l'état actuel Nous ne fermons pas les oreilles aux cris de douleur du peuple, et nous avons le courage de constater, le cœur navré, combien l'esclavage le déprave; cacher ces tristes résultats, ce n'est pas de l'amour, c'est de la vanité. Nous avons sous les yeux le servage et l'on nous accuse de calomnie, et l'on ne veut pas que le triste tableau du paysan pillé par la noblesse et le gouvernement, vendu presque au poids, dégradé par les verges, mis hors la loi, nous poursuive nuit et jour comme un remords, comme une accusation? Les Slavophiles aiment mieux lire les légendes du temps de Vladimir, ils veulent qu'on leur représente Lazare couvert non de plaies, mais d'étoffes de soie. Il faut élever pour eux comme pour Catherine des villages en carton et des jardins de coulisse le long des routes, de Pétersbourg jusqu'à la Crimée.

    Le grand acte d'accusation que la littérature russe dresse contre la vie russe, cette négation complète et ardente de nos propres fautes, cette confession qui a horreur de notre passé, cette ironie amère qui fait rougir du présent, c'est notre espérance, c'est notre salut, l'élément progressif de la nature russe.

    Et quelle est la signification des écrits de Gogol que les Slaves admirent avec tant d'exagération? Quelque autre a-t-il placé plus haut que lui le pilori auquel il a attaché la vie russe?

    L'auteur de l'article du Moscovite dit que Gogol «descendit comme un mineur dans ce monde sourd sans tonnerre ni secousses, immobile et égal, marais sans fond, qui entraîne doucement, mais sans retour, tout ce qu'il y a de frais (c'est un Slavophile qui parle); il descendit comme un mineur qui a trouvé sous terre une veine qui n'a pas encore été entamée». Oui, Gogol a senti cette force, cette mine vierge sous la terre inculte. Peut-être même l'eût-il entamée, mais malheureusement il crut avant le temps avoir atteint le fond, et au lieu de continuer à déblayer, il se mit à chercher l'or. Qu'en est-il résulté? Il commença à défendre ce qu'il, avait démoli, à justifier le servage, et finit par se jeter aux pieds du représentant de la «bienveillance et de l'amour».

    Que les Slavophiles méditent la chute de Gogol. Ils y trouveront plus de logique peut-être que de iaiblesse. De l'humilité orthodoxe, de l'abnégation qui place son individualité dans celle du prince, à l'adoration de l'autocrate, il n'y a qu'un pas.

    ôté de l'empereur? Les temps de Pierre, le grand tzar, sont passés; Pierre, le grand homme, n'est plus au Palais d'hiver, il est en nous.

    Il est temps de comprendre cela et, quittant enfin une lutte désormais puérile, de nous réunir au nom de la Russie, mais au nom aussi de l'indépendance.

    Chaque jour peut renverser le vieil édifice social de l'Europe entraîner la Russie dans le courant orageux d'une immense révolution. Est-ce le temps de prolonger une querelle de famille et d'attendre que les événements nous dépassent, parce que nous n'avons préparé ni les conseils, ni les paroles qu'on attend peut-être de nous?

    Et n'avons-nous pas un champ ouvert à notre conciliation?

    Le socialisme qui partage si définitivement, si profondément l'Europe en deux camps ennemis, n'est-il pas accepté des Slavophiles comme de nous? C'est lo pont sur lequel nous pouvons nous donner la main.

    Пора реакции против реформы Петра I настала не только для правительства, отступавшего от своего же принципа и отрекавшегося от западной цивилизации, во имя коей Петр I попирал национальность, но и для тех людей, которых правительство оторвало от народа под предлогом цивилизации и принялось вешать, когда они стали цивилизованными.

    Возврат к национальным идеям естественно приводил к вопросу, самая постановка которого уже являлась реакцией против петербургского периода. Не нужно ли искать выхода из создавшегося для нас печального положения в том, чтобы приблизиться к народу, который мы не зная его, презираем? Не нужно ли возвратиться к общественному строю, который более соответствует славянскому характеру, и покинуть путь чужеземной насильственной цивилизации? Это вопрос важный и злободневный. Но едва только он был поставлен, как нашлась группа людей, которая, тотчас же решив его в положительном смысле, создала исключительную систему, превратив ее не только в доктрину, но и в религию. Логика реакции так же стремительна, как логика революции.

    Наибольшее заблуждение славянофилов заключается в том, что они в самом вопросе увидели ответ и спутали возможность с действительностью. Они предчувствовали, что их путь ведет к великим истинам и должен изменить нашу точку зрения на современные события. Но вместо того, чтобы идти вперед и работать, они ограничились этим предчувствием. Таким образом, извращая факты, они извратили свое собственное понимание. Суждение их не было уже свободным, они уже не видели трудностей, им казалось, что все решено, со всем покончено. Их занимала не истина, а поиски возражений своим противникам.

    К полемике примешались страсти. Экзальтированные славянофилы накинулись с остервенением на весь петербургский период, на все, что сделал Петр Великий, и, наконец, на все, что было европеизировано, цивилизовано. Можно понять и оправдать такое увлечение как оппозицию, но, к несчастью, оппозиция эта зашла слишком далеко и увидела, что непонятным для себя образом она очутилась на стороне правительства, наперекор собственным стремлениям к свободе.

    [46] разума и собственных знаний, устремились под сень креста греческой церкви. Мы же не могли допустить подобных тенденций, тем более что славянофилы странным образом заблуждались относительно устройства Московского государства и придавали греческому православию значение, которого оно никогда не имело. Полные возмущения против деспотизма, они приходили к политическому и духовному рабству; при всем своем сочувствии к славянской национальности, они удалялись от этой самой национальности через противоположные двери. Греческое православие увлекало их к византинизму, и они в самом деле стремительно приближались к этому бездонному стоячему болоту, в котором исчезли следы древнего мира. Если формы и дух Запада не подходили России, то что же было общего между нею и устройством Восточной Римской империи? В чем сказалась органическая связь между славянами – варварами по своей молодости – и греками – варварами по своей дряхлости? И, наконец, что иное представляет собой эта Византия, как не Рим, – Рим, времен упадка, Рим без славных воспоминаний, без угрызений совести? Какие новые принципы внесла Византия в историю? Быть может, греческое православие? Но ведь оно – всего только апатичный католицизм; принципы их настолько одинаковы, что потребовалось семь веков споров и разногласий, чтобы заставить поверить в их различие. Быть может, общественный строй? Но в Восточной империи он основывался на неограниченной власти, на безропотном послушании, на полном поглощении личности государством, а государства – императором.

    Могло ли подобное государство сообщить новую жизнь молодому народу? Юго-западные славяне долгое время жили в тесном общении с греками Восточной империи, что же они от того выиграли?

    Уже забыто, чем были эти стада людей, которых греческие императоры согнали под благословение константинопольских патриархов. Достаточно бросить взгляд на законы об оскорблении величества, столь успешно перенятые недавно императором Николаем и его юрисконсультом Губе, чтобы оценить эту казуистику крепостничества, эту философию рабства. Но законы эти касались лишь светской власти; затем следовали канонические законы, которые регулировали передвижения, одежду, стол, смех. Можно представить себе, во что обращался человек, пойманный этой двойной сетью государства и церкви, вечно дрожащий, вечно под угрозой – то судьи, решение которого нельзя обжаловать, и послушного ему палача, то священника, действующего во имя божье, то епитимий, которые связывали человека и на этом и на том свете.

    В чем видно благотворное влияние восточной церкви? Какой же народ из принявших православие, начиная с IV века и до наших дней, цивилизовала она или эмансипировала? Быть может, это Армения, Грузия или племена Малой Азии, жалкие жители Трапезунда? Быть может, наконец, Морея? Нам скажут, возможно, что церковь ничего не могла сделать с этими изжившими себя, развращенными, лишенными будущего народами. Но славяне, – здоровая телом и душой раса, – разве получили они от нее хоть что-нибудь? Восточная церковь проникла в Россию в цветущую, светлую киевскую эпоху, при великом князе Владимире. Она привела Россию к печальным и гнусным временам, описанным Кошихиным, она благословила и утвердила все меры, принятые против свободы народа. Она обучила царей византийскому деспотизму, она предписала народу слепое повиновение, даже когда его прикрепляли к земле и сгибали под ярмо рабства. Петр I парализовал влияние духовенства, это было одним из самых важных его деяний; и что же, это влияние хотели бы теперь воскресить?

    не хотели менять ошейник немецкого рабства на православно-славянский, они хотели освободиться от всех возможных ошейников. Они не старались зачеркнуть период, истекший со времени Петра I, усилия века, столь сурового, преисполненного столь тяжких трудов. Они не хотели отказаться от того, что было добыто ценой стольких страданий и потоков крови, ради возвращения к узкому общественному строю, к исключительной национальности, к косной церкви. Напрасно славянофилы, подобно легитимистам, твердили, что можно из всего этого взять хорошее и пренебречь дурным. Это весьма серьезная ошибка, но они совершали еще, а другую, свойственную всем реакционерам. Поклонники исторического принципа, они постоянно забывали, что все, происшедшее после Петра I, – тоже история и что никакая живая сила, не говоря уже о выходцах с того света, не могла ни вычеркнуть совершившиеся факты, ни устранить их последствия. Такова точка зрения, послужившая началом оживленной полемики со славянофилами. Рядом с нею другие вопросы, обсуждавшиеся в газетах, отошли на второй план. Вопрос был действительно полон животрепещущего интереса.

    Сенковский с замечательной ловкостью выпустил тучу своих самых ядовитых стрел в лагерь славянофилов. Удовлетворенный тем, что заставил громко посмеяться над своими жертвами, он гордо удалился. Он не был создан для серьезной полемики. Но другой журналист поднял рукавицу[47] славян, брошенную в Москве, и храбро развернул знамя европейской цивилизации против той тяжелой хоругви с изображением византийской богородицы, которую несли славянофилы. Появление этого борца во главе «Отечественных записок» не предвещало больших успехов славянофилам. Это был даровитый и энергичный человек, преданный своим убеждениям так же фанатически, – человек смелый, нетерпимый, горячий и раздражительный: Белинский.

    Собственное его развитие весьма характерно для той среды, в которой он жил. Родившись в семье бедного провинциального чиновника, он не вынес о ней ни одного светлого воспоминания. Его родители были черствыми, некультурными людьми, как и все представители этого растленного класса. Однажды, когда Белинскому было десять или одиннадцать лет, его отец, вернувшись домой, стал его бранить. Мальчик хотел оправдаться. Взбешенный отец ударил его и сбил с ног. Мальчик поднялся совершенно преображенный: обида, несправедливость сразу порвали в нем все родственные связи. Его долго занимала мысль о мести, но чувство собственной слабости превратило ее в ненависть против всякой власти семьи; он сохранил эту ненависть до самой смерти.

    – нищетой. Нервный и болезненный молодой человек, мало подготовленный для академических занятий, ничего не сделал в Московском университете и, поскольку обучался там на казенный счет, был исключен под предлогом «слабых способностей и отсутствия прилежания». С этой унизительной справкой бедный юноша вступил в жизнь, Т. е., будучи выставлен за двери университета, очутился среди большого города, без куска хлеба и без возможности его заработать. Тогда-то он и встретился со Станкевичем и его друзьями, которые его спасли.

    России.

    Станкевич принадлежал к тем широким и привлекательным натурам, самое существование которых оказывает большое влияние на все, что их окружает. Он способствовал распространению среди московской молодежи любви к немецкой философии, привитой Московскому университету выдающимся профессором Павловым. Именно Станкевич руководил занятиями в кружке друзей, он первый распознал философские способности нашего друга Бакунина и натолкнул его на изучение Гегеля; он же, встретив в Воронежской губернии Кольцова, привез его в Москву и ободрил.

    Станкевич по достоинству оценил пылкий и оригинальный ум Белинского. Вскоре вся Россия воздала должное смелому таланту публициста, получившего аттестацию неспособного от куратора Московского университета.

    что и сделали со всем увлечением молодости, со всей ясностью русского ума. Впрочем, ему достаточно было лишь отдельных указаний, чтобы догнать своих друзей. Раз овладев системой Гегеля, он первый среди московских его приверженцев восстал если не против самого Гегеля, то хотя бы против способа толковать его.

    Белинский был совершенно свободен от влияний, которым мы поддаемся, когда не умеем от них защищаться. Соблазненные новизною, мы в ранней юности запоминаем множество вещей, не проверив их разумом. Эти воспоминания, которые мы принимаем за приобретенные истины, связывают нашу независимость. Белинский начал свои занятия с философии, – и это в возрасте двадцати пяти лет. Он обратился к науке с серьезными вопросами, вооруженный страстной диалектикой. Для него истины, выводы были не абстракциями, не игрой ума, а вопросами жизни и смерти; свободный от всякого постороннего влияния, он вступил в науку с тем большей искренностью; он ничего не старался спасти от огня анализа и отрицания и совершенно естественно восстал против половинчатых решений, робких выводов и трусливых уступок.

    обаянием тех диалектических фокусов, которые в «Философии религии» вновь вытаскивали на свет религию, разрушенную и разгромленную «Феноменологией» и «Логикой». То были времена, когда еще восхищались философским языком, достигшим такого совершенства, что посвященные видели атеизм там, где профаны находили веру.

    Эта преднамеренная неясность, эта обдуманная сдержанность не могла не вызвать ожесточенного сопротивления со стороны человека искреннего; Белинский, чуждый схоластики, свободный от протестантской показной добродетели и прусских приличий, был возмущен этой стыдливой наукой, прикрывавшей фиговым листком свои истины.

    «Вы хотите меня уверить, что цель человека – привести абсолютный дух к самосознанию, и довольствуетесь этой ролью; ну, а я не настолько глуп, чтобы служить невольным орудием кому бы то ни было. Если я мыслю, если я страдаю, то для самого себя. Ваш абсолютный дух, если он и существует, то чужд для меня. Мне незачем его знать, ибо ничего общего у меня с ним нет».

    Мы приводим эти слова лишь затем, чтобы лишний раз показать склад русского ума. Как только стали проповедовать дуалистический вздор, первый же талантливый человек в России, занимавшийся немецкой философией, заметил, что она реалистична только на словах, что в основе своей она оставалась земной религией, религией без неба, логическим монастырем, куда бежали от мира, чтобы погрузиться в абстракции. Общественная деятельность Белинского начинается лишь в 1841 году. Он захватил руководство «Отечественными записками» в Петербурге и в течение шести лет господствовал в журналистике. Он умер в 1848 году, изнемогший от усталости, полный отвращения, в самой крайней нищете.

    Белинский много сделал для пропаганды. На его статьях воспитывалась вся учащаяся молодежь. Он образовал эстетический вкус публики, он придал силу мысли. Его критика проникла глубже, чем критика Полевого, возбуждая иные вопросы и иные сомнения. Его недостаточно оценили; при его жизни было слишком много людей с раненым самолюбием, с задетым тщеславием; после его смерти правительство запретило писать о нем, – именно это и побудило меня рассказать о Белинском более пространно, чем о ком-либо другом. Его слог часто бывал угловат, но всегда полон энергии. Он сообщал свою мысль с тою же страстью, с какою зачинал ее. В каждом его слове чувствуешь, что человек этот пишет своею кровью, чувствуешь, как он расточает твои силы и как он сжигает себя; болезненный, раздражительный, он не знал границ ни в любви, ни в ненависти. Часто он увлекался, порой бывал и весьма несправедлив, но всегда оставался до конца искренним.

    не боялся ни гнева друзей, ни ужаса прекраснодушных. Он всегда стоял на страже критики, готовый обличить, заклеймить все, что считал реакционным. Как же мог он оставить в покое православных и ультрапатриотических славянофилов, если видел тяжелые оковы во всем том, что славянофилы принимали за самые священные узы?

    Среди славянофилов были люди талантливые, эрудированные, но ни одного публициста; их журнал («Москвитянин») не имел никакого успеха. Талантливые люди, принадлежавшие к этой партии, почти не писали, зато люди бездарные писали постоянно.

    Славянофилы пользовались большим преимуществом перед европейцами, но преимущества такого рода пагубны: славянофилы защищали православие и национальность, тогда как европейцы нападали и на то и на другое; поэтому славянофилы могли говорить почти все, не рискуя потерять орден, пенсию, место придворного наставника или звание камер-юнкера. Белинский же, напротив, ничего не мог говорить; слишком прозрачная мысль или неосторожное слово могли довести его до тюрьмы, скомпрометировать журнал, редактора и цензора. Но именно по этой, причине все симпатии снискал смелый писатель, который, в виду Петропавловской крепости, защищал независимость, а все неприязненные чувства обратились на его противников, показывавших кулак из-за стен Кремля и Успенского собора и пользовавшихся столь широким покровительством петербургских «немцев». Все то, о чем Белинский и его друзья не могли сказать, угадывалось и додумывалось. Все то, о чем славянофилы говорили, казалось не деликатным и не великодушным.

    Поспешим добавить, что славянофилы однако никогда не были сторонниками правительства. Есть, конечно, в Петербурге императорские панслависты, а в Москве присоединившиеся славянофилы, как есть русские патриоты среди прибалтийских немцев и замиренных черкесов на Кавказе, но не об этих людях идет речь. Это любители рабства, которые принимают абсолютизм за единственную цивилизованную форму правления, проповедуют превосходство донских вин над винами Кот-д'Ор и руссицизм западным славянам, переполняя их душу той благородной ненавистью к немцам и мадьярам, которая сослужила хорошую службу Виндишгрецам и Гайнау. Правительство, не признавая их учения официально, оплачивает им путевые издержки и посылает друзьям их чехам и хорватам голштинские кресты св. Анны, уготавливая им те же братские объятия, в каких оно задушило Польшу.

    может быть революционной в одном отношении, но непременно будет консервативной – в другом, вследствие чего оказывается перед печальным выбором: либо вступить в союз с врагом, либо изменить своим принципам. Довольно одной потачки врагу, чтобы пробудить совесть.

    Белинский и его друзья не противопоставили славянофилам ни доктрины, ни исключительной системы, а лишь живую симпатию ко всему, что волновало современного человека, безграничную любовь к свободе мысли и такую же сильную ненависть ко всему, что ей препятствует: к власти, насилию или вере. Они рассматривали русский вопрос и вопрос европейский с точки зрения, которая совершенно противоположна славянофильской. Им казалось, что одной из наиболее важных причин рабства, в котором обреталась Россия, был недостаток личной независимости; отсюда – полное отсутствие уважения к человеку со стороны правительства и отсутствие оппозиции со стороны отдельных лиц; отсюда – цинизм власти и долготерпение народа. Будущее России чревато великой опасностью для Европы и несчастиями для нее самой, если в личное право не проникнут освободительные начала. Еще один век такого деспотизма, как теперь, и все хорошие качества русского народа исчезнут. К счастью, в этом важном вопросе о личности Россия занимала совершенно особое положение.

    Для человека Запада одним из величайших несчастий, способствующих рабству, обнищанию масс и бессилию революций, является нравственное порабощение; это не недостаток чувства личности, а недостаток ясности в этом чувстве, искаженном – а оно искажено – предшествующими историческими событиями, которыми ограничивают личную независимость. Народы Европы вложили столько души в прошлые революции, пролили столько своей крови, что революции эти всегда у них в памяти и человек не может сделать шагу, не задев своих воспоминаний, своих фуэросов, в большей или меньшей степени обязательных и признанных им самим; все вопросы были уже наполовину разрешены: побуждения, отношения людей между собой, долг, нравственность, преступление – все определено, притом не какой-нибудь высшей силой, а отчасти с общего согласия людей. Отсюда следует, что человек, вместо того чтобы сохранить за собою свободу действий, может лишь подчиниться или восстать. Эти непререкаемые нормы, эти готовые понятия пересекают океан и вводятся в основной закон какой-либо вновь образуемой республики; они переживают гильотинированного короля и спокойнейшим образом занимают места на скамьях якобинцев и в Конвенте. Долгое время это множество полуистин и полупредрассудков принимали за прочные и абсолютные основы общественной жизни, за бесспорные и не подлежащие сомнению выводы. Действительно, каждый из них был подлинным прогрессом, победой для своего времени, но из всей их совокупности мало-помалу воздвигались стены новой тюрьмы. В начале нашего века мыслящие люди это заметили, но тут же они увидели всю толщину этих стен и поняли, сколько надо усилий, чтобы пробить их.

    Совсем в ином положении находится Россия. Стены ее тюрьмы – из дерева; возведенные грубой силой, они дрогнут при первом же ударе. Часть народа, отрекшаяся вместе с Петром I от всего своего прошлого, показала, какой силой отрицания она обладает; другая часть, оставшись чуждою современному положению, покорилась, но не приняла новый режим, ' который ей кажется временным лагерем, – она подчиняется, потому что боится, но она не верит.

    богата, чтобы пожертвовать большим имуществом ради какой-то надежды; евангельским рыбакам не о чем было жалеть, легко сменить сети на нищенскую суму. Достоянием их была живая душа, способная постигать Слово.

    этим, позволили появиться на свет учению, лишавшему Россию того единственного преимущества, которое оставила ей в наследство история. Ненавидя, как и мы, настоящее России, славянофилы хотели позаимствовать у прошлого путы, подобные тем, которые сдерживают движение европейца. Они смешивали идею свободной: личности с идеей узкого эгоизма; они принимали ее за европейскую, западную идею и, чтобы смешать нас со слепыми поклонниками западного просвещения, постоянно рисовали нам страшную картину европейского разложения, маразма народов, бессилия революций и близящегося мрачного рокового кризиса. Все это было верно, но они забыли назвать тех, от кого узнали эти истины.

    Европа не дожидалась ни поэзии Хомякова, ни прозы редакторов «Москвитянина», чтобы понять, что она накануне катаклизма – возрождения или окончательного разложения. Сознание упадка современного общества – это социализм, и, конечно, ни Сен-Симон, ни Фурье, ни этот новый Самсон, потрясающий из недр своей тюрьмы[48] европейское здание, не почерпнули своих грозных приговоров Европе из писаний Шафарика, Колара или Мицкевича. Сенсимонизм был известен в России лет за десять до того, как заговорили о славянофилах. Нелегко Европе, говорили мы славянофилам, разделаться со своим прошлым; она держится за него наперекор собственным интересам, ибо знает, в какую цену обходятся революции; ибо в настоящем ее положении есть многое, что ей дорого и что трудно возместить. Легко критиковать реформацию и революцию, читая их историю, но Европа продиктовала и написала их собственною кровью. В великих этих битвах, протестуя во имя свободы мысли и прав человека, она поднялась до такой высоты убеждений, что, быть может, не в силах их осуществить. Мы же более свободны от прошлого, это великое преимущество, но оно обязывает нас к большей скромности. Это – добродетель слишком отрицательная, чтобы заслуживать похвалы, один только ультраромантизм возводит отсутствие пороков в степень добрых дел. Мы свободны от прошлого, ибо прошлое наше пусто, бедно и ограничено. Такие вещи, как московский царизм или петербургское императорство, любить невозможно. Их можно объяснить, можно найти в них зачатки иного будущего, но нужно стремиться избавиться от них, как от пеленок. Ставя в упрек Европе, что она не умела перерасти свои собственные установления, славянофилы не только не говорили как думают они разрешить великое противоречие между свободой личности и государством, но даже избегали входить в подробности того славянского политического устройства, о котором без конца твердили. Тут они ограничивались киевским периодом и держались за сельскую общину. Но киевский период не помешал наступлению московского периода и утрате вольностей. Община не спасла крестьянина от закрепощения; далекие от мысли отрицать значение общины мы дрожим за нее, ибо по сути дела, нет ничего устойчивого без свободы личности. Европа не ведавшая этой общины или потерявшая ее в превратностях прошедших веков, поняла ее, а Россия, обладавшая ею в течение тысячи лет, не понимала ее, пока Европа не пришла сказать ей, какое сокровище скрывала та в своем лоне. Славянскую общину начали ценить, когда стал распространяться социализм. Мы бросаем вызова славянофилам, пусть они докажут обратное.

    этого вопроса и начинается наше равенство. У нас больше надежд, ибо мы только еще начинаем, но надежда – лишь потому надежда, что она может не осуществиться.

    Не надобно слишком доверяться будущему – ни в истории, ни в природе. Не каждый зародыш достигает зрелости, не все, что живет в душе, осуществляется, хотя при других обстоятельствах все могло бы развиться.

    – факт не случайный, оно, конечно, отвечает какой-то особенности национального характера. Эта особенность может быть поглощена, побеждена другими, поможет победить и она. Если Россия способна примириться с существующим порядком вещей, то нет у нее впереди будущего, на которое мы возлагаем надежды. Если она и дальше будет следовать петербургскому курсу или вернется к московской традиции, то у нее не окажется иного пути, как ринуться на Европу, подобно орде, полуварварской, полуразвращенной, опустошить цивилизованные страны и погибнуть среди всеобщего разрушения.

    Не нужно ли было бы постараться всеми средствами призвать русский народ к сознанию его гибельного положения, – пусть даже в виде опыта, – чтобы убедиться в невозможности этого? И кто же иной должен был это сделать, как не e те, кто представляли собою разум страны, мозг народа, – те, с чьей помощью он старался понять собственное положение? Велико их число или мало – это ничего не меняет. Петр I был один, декабристы – горстка людей. Влияние отдельных личностей не так ничтожно, как склонны думать; личность – живая сила, могучий бродильный фермент, – даже смерть не всегда прекращает его действие. Разве не видели мы неоднократно, как слово, сказанное кстати, заставляло опускаться чашу народных весов, как оно вызывало или прекращало революции?

    один еще мог осветить омут русской жизни; наконец, они превозносили прошлое, а от него, напротив, нужно было избавиться ради будущего, отныне ставшего общим для Востока и Запада.

    Совершенно ясно, что надо было противодействовать подобному направлению умов, и полемика действительно развертывалась все шире. Она продолжалась до 1848 года, достигнув высшего своего напряжения к концу 1847 года, как будто ее участники предчувствовали, что через несколько месяцев ни о чем нельзя будет спорить в России и что борьба эта побледнеет перед значительностью событий.

    Противоположные мнения особенно ярко выразились в двух статьях. Одну, под названием «Юридическое развитие России», опубликовал «Современник», в Петербурге. Другую – пространный ответ славянофила – напечатал «Москвитянин». Первая статья представляла собою ясное и сильное изложение темы, основанное на углубленном изучении русского права; она развивала мысль о том, что личное право никогда не удостаивалось юридического определения, что личность всегда поглощалась семьей, общиной, а позже государством и церковью. Неопределенное положение личности вело согласно автору, к такой же неясности в других областях политической жизни. Государство пользовалось этим отсутствием определения личного права, чтобы нарушать вольности; таким образом, русская история была историей развития самодержавия и власти, как история Запада является историей развития свободы и прав.

    «Москвитянина», почерпнувшем свои доводы в славянских летописях, греческом катехизисе и гегельянском формализме, опасность, которую представляет собой славянофильство, становится очевидной. Автор-славянофил полагал, что личный принцип был хорошо развит в древней Руси, но личность, просвещенная греческой церковью, обладала высоким даром смирения и добровольно передавала свою свободу особе князя. Князь воплощает сострадание, благожелательство и свободную личность. Каждый, отрекаясь от личной независимости, одновременно спасал ее в представителе личного принципа – в государе:

    – не злоупотреблять им – создавали, по мнению автора, гармоническое согласие между князем, общиной и отдельной личностью, – дивное согласие, которому автор не находит иного объяснения, кроме чудесного присутствия святого духа в византийской церкви.

    Если славянофилы хотят представлять серьезное воззрение, реальную сторону общественного сознания, наконец, силу, стремящуюся найти себе реальное воплощение в русской жизни, если они хотят чего-то большего, нежели археологические диспуты и богословские споры, то мы имеем право потребовать от них отказа от этого безнравственного словесного блуда, от этой извращенной диалектики. Мы говорим «словесный блуд», ибо они грешат им вполне сознательно.

    Что означают сии метафорические решения, выворачивающие вопрос наизнанку? К чему эти образы, эти символы вместо дел? Разве славянофилы затем изучали хроники Восточной империи, чтобы привить себе эту византийскую проказу? Мы не греки времен Палеологов и не станем спорить об opus operans и opus operatum[49], когда в наши двери стучится неведомое, необъятное будущее.

    ей глубоко метафизический вид, Нужно только не знать или забыть, что соотношение между содержанием и методом – иное, нежели между свинцом и формой для отливки пуль, и что лишь один дуализм не понимает их взаимозависимости. Говоря о князе, автор лишь пространно пересказал общеизвестное определение, которое Гегель дал рабству в «Феноменологии» («Herr und Knecht»[50]). Но он умышленно позабыл, как Гегель расстается с этой низшей ступенью человеческого сознания. Стоит отметить, что сей философский жаргон, относящийся по форме к науке, а по содержанию – к схоластике, встречается и у иезуитов. Монталамбер, отвечая на запрос по поводу жестокостей, учиненных папской властью в тюрьмах Рима, сказал: «Вы говорите о жестокостях папы, но он не может быть жестоким, его положение воспрещает ему это; наместник Иисуса Христа, он может только прощать, только быть милосердным, и в самом деле, папы всегда прощают. Святой отец может быть опечален, может молиться за грешника, но не может быть неумолимым», и т. д. На вопрос, применяют ли пытки в Риме, отвечают, что папа милосерд; на замечание, что все мы рабы, что личное право не развито в России, отвечают: «Мы спасли это право, увенчав им князя». Это издевка, возбуждающая презрение к человеческому слову. Едва ли приличествует ссылаться на религию, но еще менее того – на религию обязательную. Каждый автор имеет неоспоримое право верить во что ему вздумается; но прибегать к богословским доказательствам в ученом споре с человеком, который не говорит о своей религии, – значит нарушать приличия. К чему прятаться за неприступной крепостью, малейшее нападение на которую кончается тюрьмой?

    Притом непостижимо, как славянофилы, если им действительно дорога их религия, не чувствуют отвращения к ханжескому методу «Философии религии» – этой бессильной, лишенной веры попытки реабилитации, этой холодной и бледной защитительной речи, в которой надменная наука, уложив в могилу сестру свою, роняет ей вслед улыбку сострадания? Как хватает у них мужества трепать самое для них святое на диспутах, где его не чтят и терпят лишь из страха перед полицией?

    Это не все: автор, как ни странно, обвиняет своих противников в недостатке патриотизма и в том, что они мало любят народ; так как это общая черта всех славянофилов, то надобно сказать о ней несколько слов. Они присваивают себе монополию на патриотизм, они считают себя более русскими, чем кто бы то ни было; они постоянно упрекают нас за наше возмущение против современного положения России, за нашу слабую привязанность к народу, за наши горькие и полные гнева речи, за откровенность, заключающуюся в том, что мы выставляем на свет темную сторону русской жизни.

    не было делом славянофилов, все гонения достались на нашу долю, славянофилов же до сей поры судьба щадила.

    говорим потому, что любим. Мы не бежим от настоящего в прошлое, ибо знаем, что последняя страница истории – это современность. Мы не затыкаем ушей при горестных криках народа, и у нас хватает мужества признать с глубокой душевной болью, насколько развратило его рабство; скрывать эти печальные последствия – не любовь, а тщеславие. У нас перед глазами крепостничество, а нас обвиняют в клевете и хотят, чтобы печальное зрелище крестьянина, ограбленного дворянством и правительством, продаваемого чуть ли не на вес, опозоренного розгами, поставленного вне закона, не преследовало нас и днем и ночью, как угрызение совести, как обвинение? Славянофилы охотней читают предания времен Владимира, они желают, чтобы им представляли Лазаря не в язвах, а в шелках. Для них, как для Екатерины, нужно возвести вдоль дорог от Петербурга до Крыма картонные деревни и декорации, изображающие сады.

    Великий обвинительный акт, составляемый русской литературой против русской жизни, это полное и пылкое отречение от наших ошибок, эта исповедь, полная ужаса перед нашим прошлым, эта горькая ирония, заставляющая краснеть за настоящее, и есть наша надежда, наше спасение, прогрессивный элемент русской натуры.

    Каково же значение того, что написал Гоголь, которым славяне так неумеренно восхищаются? Кто другой поставил выше, чем он, позорный столб, к которому он пригвоздил русскую жизнь?

    «Москвитянина» говорит, что Гоголь «спустился, подобно рудокопу, в этот глухой мир, однообразный и неподвижный, где нет ни ударов грома, ни сотрясений, в это бездонное болото, засасывающее медленно, но безвозвратно все, что есть свежего (это говорит славянофил); он спустился туда, подобно рудокопу, нашедшему под землей еще не початую жилу». Да, Гоголь почуял эту силу, эту нетронутую руду под невозделанной землей. Может быть, он почал бы эту жилу, но к несчастью, слишком рано решил, что достиг дна, и, вместе того чтобы продолжать расчистку, стал искать золото. Каково же было следствие этого? Он начал защищать то, что прежде, разрушал, оправдывать крепостное право и в конце концов бросился к ногам представителя «благоволения и любви».

    Пусть поразмыслят славянофилы о падении Гоголя. Они найдут в этом падении, быть может, больше логики, нежели слабости. От православного смиренномудрия, от самоотречения, растворившего личность человека в личности князя, до обожания самодержца – только шаг.

    Пора это понять и, бросив, наконец, эту ставшую отныне ребяческой борьбу, соединиться во имя России, а также во имя независимости.

    не приготовили ни советов, ни слов, которых, быть может, от нас ожидают?

    Да разве нет у нас открытого поля для примирения?

    А социализм, который так решительно, так глубоко разделяет Европу на два враждебных лагеря, – разве не признан он славянофилами так же, как нами? Это мост, на котором мы можем подать друг другу руку.

    à un doigt (roukavitza) que portent les paysans.

    16. Proudhon était alors à Ste-Pélagie.

    46. заранее (лат.).

    48. Прудон находился тогда в тюрьме Сент-Пелажи

    49. действии совершённом и действии совершающемся (лат.).

    50. «Господин и раб» (нем.).