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  • La France ou l’Angleterre? (Франция или Англия?)

    La France ou l'Angleterre?
    Франция или Англия?
    Примечания

    LA FRANCE OU L’ANGLETERRE?

    Variations russes sur le thème de l’attentat du 14 janvier

    I

    é.

    été ébranlé d’une extrémité à l’autre; de nouvelles fissures se sont ouvertes; l’édifice séculaire a encore une fois craqué et s’est de nouveau et de plus en plus affaissé, et tout cela parce qu’un enthousias te, voyant le malheur de son pays, s’est avisé de jeter sous la voiture de l’homme qu’il en croyait coupable, une bombe fulminante qui ne l’a pas atteint.

    ’Angleterre elle-même le pied a glissé; mais, heureusement, elle s’est redressée aussitôt.

    Maintenant les journaux absolutistes ne parlent que d’une alliance ultra-monarchique contre l’Angleterre, — chose extrêmement naturelle et que l’on devait prévoir. On est allé jusqu’à présumer que dans cette conspiration despotique la Russie figurera à côté de la France. Nous ne le croyons pas, mais si cela était, ce serait une absurdité historique, qui, à elle seule, suffirait à montrer dans toute son étendue l’incapacité flagrante du gouvernement tel qu’il est aujourd’hui constitué en Russie.

    ’Angleterre, qui est une nécessité de position, une conséquence logique pour les autres gouvernements du Continent, serait une faute pour la Russie. La Russie a été détournée de sa voie et traînée à la remorque par la réaction européenne; cela est vrai; mais la corde s’est brisée, et la Russie reprend maintenant son cours naturel.

    ée, il y a quatre ans, nous disions:

    «Le despotisme n’est pas du tout conservateur. Il ne l’est pas même en Russie. Le despotisme c’est ce qu’il y a de plus corrosif, de plus délétère, de plus dissolvant. Quelquefois les peuples jeunes, cherchant à s’organiser, commencent par le despotisme, le traversent, s’en servent comme d’une dure éducation; mais plus souvent se sont les peuples retombés en enfance qui succombent sous le joug du despotisme.

    Le despotisme militaire, algérien ou caucasien, bonapartiste ou cosaque, une fois maître de l’Europe, sera nécessairement entraîné à une lutte acharnée contre la vieille société; il ne pourra laisser exister les institutions libres, les droits indêpendants, la civilisation habituée à la parole, la science habituée à l’analyse, l’industrie s’érigeant en puissance.

    ’est la barbarie, c’est l’enterrement d’une civilisation décrépite, et quelquefois l’étable dans laquelle naît le Sauveur.

    Le monde européen, tel qu’il est, a fini sa tâche; mais il nous semble qu’il pourrait finir plus honorablement sa carrière — passer à une autre forme d’existence non sans secousses, mais sans abaissement, sans dégradation. Les conservateurs, comme tous les avares, ont eu surtout peur de ’héritier; étranglé nuitamment par des voleurs et des brigands.

    Après avoir bombardé Paris, déporté, emprisonné les ouvriers — on pensa que le danger était passé. Mais la mort est un Protée. On la chasse comme ange de l’avenir — elle revient comme spectre du passé, — on la chasse comme République démocratique et sociale, elle revient comme Nicolas, tzar de toutes les Russies, ou comme Napoléon, tzar de France.

    ’un ou l’autre — ou les deux ensemble — achèveront la lutte.

    Pour lutter il faut que son adversaire ne soit pas encore terrassé. Où est donc le dernier champ clos, le dernier retranchement où la civilisation peut livrer une bataille, se défendre, au moins, contre les despotes?

    — Non.

    é de son vivant sa couronne révolutionnaire — un peu de gloire militaire et beaucoup de police suffiront pour maintenir l’ordre à Paris.

    Le champ-clos est à Londres.

    Tant que l’Angleterre, libre et fière de ses droits, existe, — rien n’est fait définitivement pour la cause de la barbarie.

    écembre 1848, la Russie et l’Autriche n’ont plus de haine contre Paris. Paris a perdu son prestige pour les rois, ils ne le craignent plus. Toute leur haine s’est portée contre l’Angleterre. Ils l’abhorrent, ils la détestent, ils voudraient la piller!

    éactionnaires, mais non des pays conservateurs. L’Angleterre seule est conservatrice, et le pourquoi à conserver — é individuelle.

    Mais ce seul mot résume tout ce qui est poursuivi, haï par les Bonaparte et les Nicolas.

    ’ils laisseront, eux vainqueurs, à douze heures de distance de Paris esclave, — Londres à tout ce qui fuira les villes désertes et incendiées du Continent? Car tout ce qui doit être sauvé et peut l’être, au milieu de l’orgie de la destruction — sciences et arts, industrie et culture — tout cela sera nécessairement poussé en Angleterre.

    êve du premier barbare moderne, de Napoléon le Grand, se réalisera.

    Quel plus grand malheur peut attendre l’Angleterre qu’une Europe révolutionnaire, que du despotisme européen? Les peuples ont assez à faire chez eux pour ne pas penser à des invasions.

    ’est ni l’égoïsme, ni la cupidité qui empêchent les Anglais de voir cela clairement. Disons le franchement, c’est leur ignorance et la maudite routine des affaires qui rend ces hommes incapables de comprendre qu’on doit quelquefois marcher — non par des chemins battus, mais en se frayant une nouvelle route.

    à sont dévoués aux dieux infernaux. Comment les sauver?»[82]

    époque une révolution s’est opérée en Russie. Le Général Février — devenu traître, comme le disait le Punch — a lancé, avec plus de succès qu’Orsini, sa bombe d’Eupatoria, et, par un «heureux hasard», la couronne impériale est tombée sur la tête d’un monarque qui a compris qu’il était au bord d’un gouffre, vers lequel Nicolas avait attiré un peuple jeune et robuste, — gouffre d’abus, de vol, de désordre, d’arbitraire, où était menacée de se disloquer la machine immense de l’empire russe.

    Alexandre II a vu qu’il n’y avait de salut que dans un grand travail intérieur, travail de développement, de réforme, qu’il a osé entamer.

    érêt peut-il avoir à soutenir le despotisme continental contre la liberté insulaire?

    ès concevable que le souverain d’une agglomération mécanique et forcée de parties hétérogènes, s’allie à Bonaparte, pour écraser de concert les derniers vestiges de toute indépendance. Si François Joseph ne le fait pas, c’est qu’il se méfie de Louis Napoléon à l’endroit de la question italienne. Cette politique, de la part de tous les monarques européens, est concevable; quoique, à vrai dire, ce complot de police œcuménique, vu l’état de parfaite prostration des peuples, ne soit qu’une affaire de luxe. Mais ils sont liés au sabot qu’ils ont mis à la grande roue de l’histoire, et ils ne peuvent s’en débarasser.

    ’a absolument rien à faire dans tout cela; la seule chance qu’elle y puisse courir, c’est de se heurter contre la borne et de se voir arrêtée dans sa nouvelle marche. Ce n’est pas par le mutisme, l’inquisition, les déportations et le knout que les réformes peuvent s’accomplir.

    La Russie est dans une position toute exceptionnelle. Elle n’appartient pas à l’Europe. Elle n’appartient pas à l’Asie. Un changement de dynastie en Chine n’implique pas une intervention de sa part. La chute de Bonaparte et l’avènement au trône de France de Baroche ou de Pélissier, ne pourrait ni affaiblir ni raffermir la puissance du tzar. La Russie, en un mot, forme à elle seule une nouvelle partie du monde, qui se développe à sa manière, s’assimilant la civilisation occidentale par la couche supérieure, et restant parfaitement nationale à la base.

    âche de Pierre I et de Catherine II est accomplie. Ils sacri-i èrent tout, et en première ligne le bonheur du peuple, pour fonder l’Empire russe, pour organiser l’Etat fort, et pour en faire un Etat européen. Toujours ils s’efforcèrent de mêler la Russie aux questions de politique intérieure des Etats européens, et d’élargir l’influence diplomatique du nouvel empire. Il y entrait, outre la convoitise, un peu de l’amour-propre des parvenus, et c’était avec ostentation qu’ils voulaient prendre part aux affaires des vieux aristocrates du Continent.

    Et pourtant, malgré tout, l’empire moderne, commençant par la négation de sa propre tradition, était une création du XVIIIème ècle. On y sentait le souffle de la révolution passant au-dessus d’une nation écrasée et somnolente.

    é d’un crime lia bientôt de plus en plus le gouvernement russe au despotisme le plus vieux en Europe, et au plus jeune de tous, — à l’Autriche et à la Prusse. Après le partage de la Pologne et les nouvelles «horribles» de la France révolution-naire, Catherine II jeta franchement le masque du libéralisme et apparut enfin ce qu’elle était effectivement, une vieille Messaline sans cœur, une Lucrèce Borgia, — avec la lymphe allemande dans les veines.

    Son fils, moins astucieux, reprit avec un mesquin pédantisme de caporal le rêve de sa mère et se crut le protectuer des monarques. Paul I donna le spectacle hideux et ridicule d’un Don Quichotte couronné, opprimant tout, knoutant tout, avec rage, avec fureur. Il n’était pas même supportable pour les ci-devant mignons de Catherine.

    ément très remarquable, c’est que Catherine II et son fils n’eurent absolument rien de russe, rien de national. Le patriotisme frelaté de Catherine ne fut qu’une des armes dont elle se servit pour tuer le bon Holstinois, son mari. L éducation cellulaire qu’elle donna à son fils-rival, à son fils — ennemi naturel de la mère, qui lui avait volé la couronne, en fit un Caspar-Hauser du palais impérial. C’était un produit artificiel et morbide des sérails d’hommes et des salles d’exercice. Pas un trait naturel de caractère russe dans ce Grand-maître de l’Ordre de Malte.

    é à une grande lutte qui causa le réveil du peuple et commença une nouvelle époque, ne pouvait pas, et, ajoutons-le, ne voulait pas continuer le rôle de son père. Il était réservé à Nicolas de reprendre frénétiquement ce rôle. Chevalier de la triste figure, lui aussi, il lutta trente ans avec un fantôme; mais malheureusement ses coups portaient sur la poitrine éelle ’occupa, jour et nuit, pendant plus d’un quart de siècle, à punir l’insurrection de 1825 et le soulèvement de la Pologne de 1831. Sa manie, sa folie de réaction, alla jusqu’à mettre, au mépris des traités, et comptant sur l’humilité de l’Europe entière, la main sur des cités libres, et à les offrir ensuite comme pourboire à l’Autriche. Pour soutenir le principe de l’autocratie du plus proche ennemi de la Russie, il fit une guerre mortelle à un peuple ami, et lui-même dit ensuite à Olmütz, en montrant la statue de Jean Sobieski: «Nous sommes, lui et moi, les deux Slaves les plus fous: nous avons sauvé l’Autriche!»

    ègne néfaste, la Russie n’exista pour les autres peuples que comme une brosse de baïonnettes qui se hérissait au moindre souffle de liberté, au moindre cri d’indépendance. Les deux cent mille baïonnettes prêtes à passer la frontière pour la sainte cause de l’ordre et de la police — comme les célèbres deux cent mille ouvriers de Paris qu’on faisait prendre part à chaque démonstration — étaient dans la bouche de tous les réactionnaires; et dès qu’un micro-prince allemand était mécontent de ses deux ou trois braves bourgeois, il faisait dire par son premier ministre à ces pauvres diables de Schultze et de Müller, que les deux cent mille baïonnettes russes s’avançaient vers la frontière. Et derrière les baïonnettes on voyait la figure sombre, boutonnée, de Nicolas, avec ses énormes bottes et son regard fauve, que le négrier Douglas a trouvé si doux.

    Par ce chemin Nicolas est arrivé non seulement à faire haïr et détester le nom russe, mais encore à désorganiser complètement la Russie, à la réduire à cet état déplorable que nous avons très bien constaté pendant la guerre de Crimée.

    énissent la paix de Paris. Cette guerre et cette paix ont humilié la fiction impériale. L’hyperbole s’est dissoute en fumée, et la triste vérité a commencé à paraître s’élevant comme un reproche des ruines de Sébastopol.

    Dès lors le paysan de la Mer Blanche sut, aussi bien que le cosaque de la Mer Noire, que la Russie ne manquait ni de courage, ni de dévouement, ni de moyens, mais qu’on avait été battu parce que l’âme, l’organisation, le centre intelligent, ’ordre é au citoyen Marc Caussidière, Nicolas avait fait ésordre avec l’ordre. ’en aperçut trop tard et en mourut de honte.

    ’y avait que deux voies pour son fils.

    Il pouvait devenir un persécuteur implacable, refouler encore plus la pensée et la parole, punir les larmes, arracher le dernier jeune homme à sa famille et l’envoyer se faire tuer, frapper de nouveaux coups sur le dos sanglant de son peuple, jeter des générations entières en Sibérie, et maintenir ainsi pendant quelque temps une tranquillité de ’Empire éclaterait au milieu du chœur d’une Jacquerie universelle. Il ne l’a pas voulu.

    ès lors, la seconde route était toute tracée, — route de développement, des réformes, d’émancipation; aussi le progrès qu’a fait la Russie dans les trois années du règne d’Alexandre II est-il immense. Tout commence à se mouvoir; les muscles, raidis par la camisole de force, s’étendent. Les questions de la plus grande vitalité se posent. La Russie entre avec tranquillité dans une révolution économique.

    Et l’on vient, au milieu de tout cela, nous parler d’une alliance française, au nom du despotisme s’acharnant contre le seul refuge de l’indépendance, de la liberté!.. mais cela n’a pas le sens commun.

    ’alliance avec Bonaparte.

    Je n’ai pas la moindre intention de faire une attaque personnelle contre l’empereur des Français, — loin de là: je l’envisage lui-même comme un instrument fatal; je vois sur son front une marque tragique, un signe noir à travers les rayons rouges de sang de la gloire de son oncle.

    ’élu de la Mort, — son représentant.

    — comme les Césars — ne sont pas des causes, mais des effets, des symptômes. Ce sont les tubercules sur les poumons d’une Rome lorsqu’elle a fait son temps. C’est une maladie de caducité, de marasme; c’est la force de la crispation, l’énergie insensée de la fièvre.

    ède que par la mort. Sa gloire est toute de sang, toute de cadavre. Il n’a pas de force créatrice, pas d’activité productive; il est éminemment stérile: tout ce qu’il a produit n’est qu’illusion, rêve: cela paraît, cela n’est pas; ce sont des fantômes, des spectres: empires, royaumes, dynasties, ducs, princes, maréchaux, frontières, alliances... Attendez un quart d’heure: tout cela n’existe pas; ce sont des contours de nuages. Ce qui est réel, c’est la terre d’Espagne engraissée par les cadavres français; ce sont les sables de l’Egypte parsemés d’ossements français; ce sont les neiges de la Russie rougies par le sang français.

    Le Bonapartisme, remarquezle bien, n’a, comme le délire, ni but, ni principe; c’est une contradiction, un bal masqué. Quand il chante, il chante un non-sens: «Partant pour la Syrie!»

    éon? — Questionné par le naïf Las-Case, il n’a jamais pu formuler une réponse plausible. — A quoi bon la campagne d’Egypte? — L’Orient, c’est un beau piédestal, un fond de tableau magnifique, — Et la guerre atroce d’Espagne? — Ah! c’est que l’Empire — c’est la révolution couronnée; c’est l’affranchissement des peuples. — Ecoutez le poète du Bonapartisme:

    Les nations, reines par nos conquêtes,

    ’évertuent à expliquer d’une manière raisonnable les orgies d’assassinat qui firent la gloire de la France au temps de l’Empire, ne trouvent rien de mieux que de dire que Napoléon faisait la guerre pour occuper les esprits en France. Y a-t-il quelque chose de plus cyniquement immoral, de plus monstrueux que cette explication? Tuer des hommes pour distraire les autres; anéantir des générations pour substituer, chez celles qui restent, aux idées du progrès social — des hallucinations de gloire sanguinaire, l’apothéose du carnage, et l’amour illimité — de la légion d’honneur?

    ’est le despotisme de la fin, de l’index. Métastase de la Révolution, il n’est que destructeur; tuant ensemble et la Révolution et la tradition; 89 par l’église, et l’église par 89; tuant enfin le suffrage universel par l’élu. Il inocule la mort. Il a failli perdre l’Angleterre par son attouchement: il n’y a pas de santé qui tienne contre une goutte de sang malade.

    Prenez garde à vous, Sire, et ne mettez pas, par dépit et rancune contre un récent ennemi, la Russie — cette jeune et robuste paysanne — dans le lit d’un vieillard usé. Le David gaulois peut mourir sans elle.

    ’alliance anglaise et l’alliance française, il n’y a, raisonnablement, pas à hésiter pour la Russie.

    ’état dans lequel se trouve l’Occident n’a jamais été plus simple. Cette simplicité même est un signe alarmant. Tout ce qui est plein de nerfs, de sève, de vie, de force, est très compliqué, très embrouillé; c’est ce que nous pouvons voir en examinant le pays le plus vivant, le plus vivace de l’Europe, l’Angleterre.

    ’alternative de ces deux alliances est donc d’une clarté extraordinaire.

    ’alliance française — c’est la ligue du despotisme contre l’Angleterre; c’est la guerre, le retour à la barbarie, le coup de grâce donné à l’Europe. Quel avertissement sinistre que la haine implacable, stupide, et heureusement impuissante, de Napoléon I pour l’Angleterre — c’est un des plus beaux titres de la fière Albion. L’instinct astucieux du grand condottiere lui disait bien que rien n’est stable pour le Césarisme tant que l’Angleterre existe indépendante de la France. Et c’est à cette œuvre de dissolution sociale dans la servitude, que la Russie, à peine éveillée à une nouvelle existence, irait prêter le secours de son bras. Elle couperait court aux réformes, remettrait les chaînes aux paysans, écraserait les germes qui palpitent, ferait de ses champs un caravansérail de hordes disciplinées pour la destruction, et tout cela pour se ruer sur l’Europe, s’unir à d autres hordes carnassières, et, tous ensemble, Kalmouks et Zouaves, se précipiter sur l’Angleterre, au cri de «Mort à la liberté!»

    ’alliance avec l’Angleterre, au contraire, n’est point une ligue contre la France. L’Angleterre n’attaque pas. Elle n’a plus cet héroïsme des chasseurs bibliques, des bandits du moyen-âge, des reîtres et lansquenets de tous les temps. L’Angleterre aime la paix, parce que la paix c’est le grand loisir du travail. S’allier avec l’Angleterre, c’est donner à entendre que la Russie n’a rien à craindre de la liberté, qu’elle n’est solidaire de rien sur le continent. C’est arriver enfin à reconnaître, de part et d’autre, que les deux pays n’ont rien à se disputer et peuvent immensément s’entr’aider. N’est-il donc pas temps d’anéantir ce spectre illusoire d’une rivalité, qui n’a d’autre base que l’ignorance de la géographie? Peut-on, après la campagne de Crimée, sérieusement croire que la Russie ira entreprendre de vaincre des difficultés presqu’insurmontables pour pénétrer aux Indes; et, après la promenade Baltique, peut-on penser que l’Angleterre entretiendra des flottes exclusivement pour empêcher la civilisation américaine d’entrer en Sibérie, par la seule voie possible — l’Amour? — Mais ouvrez donc une carte.

    Et ce n’est pas tout. L’Angleterre est l’unique, la seule école qui nous convienne. Grand peuple, avec une petite armée et de vastes conquêtes, elle nous déshabituera des uniformes, des parades, de la police, de l’arbitraire. Pays sans centralisation, sans bureaucratie, sans préfets, sans gendarmes, sans restriction de la presse, sans entraves au droit de réunion, sans révolutions, sans réaction: tout le contraire de la Russie et de la France. Et quel rôle que le sien! Après la chute et la décadence du Continent, seule, debout, la tête haute, tranquille, pleine de sécurité, elle regarde, du milieu des vagues, le sabbat hideux, la danse macabre de la mort et des commissaires de police.

    ’est encore, comme le dit le vieux Gaunt, «le diamant enchâssé dans l’argent de la mer». Il commençait un peu à perdre de son eau, de son éclat; mais on était tellement habitué au teint noirci par les siècles, de tout ce qui est anglais, que la rouille du moyen-âge, semblable à la mousse qui couvre la bouteille, ne parlait pas seulement de la vieillesse, mais aussi de la force.

    Il fallait cependant avoir eu un moment de terrible vertige pour se laisser entraîner par de piètres faiseurs de coups d’Etat à la Française, par de mauvais copistes de grands criminels, vers l ‘outrage fait à ses droits les plus précieux.

    é sa patrie pour la liberté. Habitué aux voyages, je ne tiens nullement au degré de latitude ou de longitude. Ne prenant part à aucune conspiration, je n’étais en aucune façon menacé par la és anglaises. ême... j’aurais pris ma presse sous le bras et me serais embarqué pour New York. Mais, je l’avoue, après la première lecture de la loi sur la suspension de l’inviolabilité personnelle en Angleterre, mon cœur se serra. Je fus terrifié, abasourdi. C’est alors que je compris que ’aimais l’ Angleterre!

    ’ils ne savent pas ce qu’ils votent? Comment, il suffira de deux espions, de deux parjures de profession, pour donner à la police le droit de fouiller la maison d’un Anglais, ce sanctuaire, ce «non me tangere», ées, voleurs..., que sais-je encore. Et maintenant on ouvre une porte basse pour des mouchards!

    é jury acquittera... c’est possible; mais les papiers fouillés, les secrets de famille salis par la main des espions, et, par dessus le marché, la prison préventive! Cette loi, à elle seule, était un coup d’Etat, un 2 Décembre masqué, un suicide, un parricide véritable. Pour punir l’intention ’un meurtre, on donnait par derrière un coup de couteau à la Common law.

    à voir encore? et quelle triste existence que de passer ainsi d’un enterrement à un autre. Le deuil pour la France — comme les souliers de la mère d’Hamlet — n’était pas encore usé, et déjà on flairait l’encens funéraire d’un autre côté, et on semblait entendre les sons lugubres du Requiem:

    éparais à partir.

    Mais l’Angleterre se releva. Elle rejeta non seulement la loi, mais les conspirateurs. Et ce ne fut pas le Parlement seul qui se souleva. Dans les plus grandes cités et dans les moindres carrefours, sur les places publiques et près de l’âtre de la famille, un cri d’indignation se fit entendre, traversant l’île d’un bout à l’autre; et un cri d’horreur vint le corroborer lorsque les Anglais virent la terre libre de leur patrie couverte d’une vermine d’espions à moustaches, figures patibulaires des prostitués de l’ordre continental.

    ’exaspération était telle que, dans les rues, les gamins poursuivaient tous les étrangers du cri de «French spy!» et cela avec accompagnement de grognements et quelquefois de boue. Ils me l’ont crié, à moi. — Et comme, au fond du cœur, je les en ai remerciés!

    ïr la police politique — est libre à perpétuité. Ce n’est pas en vain que la reine Elisabeth nommait l’Angleterre

    II

    La Révolution est française. Le Socialisme — son dernier mot et son idéal — a été élaboré par les penseurs français, au milieu des souffrances du prolétariat français.

    étaires des autres pays aient moins souffert ou que des penseurs d’autres nations n’aient eu des idées de régénération sociale très prononcées. — Robert Owen est Anglais. Mais c’est en France que le prolétaire a non seulement souffert, mais en a eu conscience et a compris que cela n’était pas seulement un grand malheur, mais aussi une grande iniquité. C’est en France que le Socialisme, de passion qu’il était du temps de Gracchus Babœuf, se fit religion avec St. Simon, doctrine avec Fourier, philosophie avec Proudhon.

    à une raison suffisante pour conclure que la régénération sociale, annoncée en France, se réalisera aussi en France? — Nous ne le pensons pas. Mais, nous nous hâtons de le dire, si cela n’est pas logiquement nécessaire, être. épend, en première ligne, de la manière dont la France sortira de la crise présente et de sa prostration actuelle.

    être comme un phénix glorieux, transfigurée, rajeunie, et entraînant les vieillards du monde Romain à une troisième existence; ou, c’est aussi possible — ne trouvant plus de forces régénératrices, elle fera de son programme un testament qu’elle laissera, comme sa dernière volonté de grand peuple, aux autres races, aux autres pays. Ainsi Jérusalem léguait l’Evangile au monde, ne se réservant que l’espérance éternelle de rebâtir demain le temple de Salomon!

    Cette question est très grave, très difficile. Mais le doute est déjà un grand pas en avant, et l’affranchissement de la foi aveugle dans l’avenir révolutionnaire de la France pourrait bien être le véritable commencement de cet avenir.

    ’avons pas à cette question de réponse toute faite. Nous ne tirons pas d’horoscopes. L’avenir est variable. La seule chose raisonnable que nous puissions faire, c’est de constater les conditions dans lesquelles une régénération sociale est possible pour une nation, et les crises, les catastrophes, les phases par lesquelles elle doit passer.

    Or, une grande autorité dans les palingénésies sociales a dit: «Il faut mourir dans le vieil Adam, pour renaître dans le nouveau; s’est par la fosse qu’on va à la résurrection: le baptême par l’eau (le changement d’étiquette — Monarchie, République) ne suffit pas».

    ôté de ces paroles, il y a un exemple. C’est la Rome des Césars passant par la mort pour devenir la Rome des Papes.

    évolutions; elle changeait souvent de peau; mais avec Marius et Sylla, avec le Sénat et Jules César, avec Néron et Marc-Aurèle, elle restait la Rome antique. Devant le Christianisme le vieil édifice dut s’écrouler pour être rebâti. Il n’en resta pas pierre sur pierre. Tout passa par la mort, et en sortit transfiguré.

    «Aveésar» les légions victorieuses... des processions de moines allant s’agenouiller devant un gibet romain. Au lieu de l’aigle carnassier des Césars... l’Esprit saint sous la forme d’une colombe.

    ûre pour la tombe, un homme vint qui, possédant toute la culture antique, dit à ses concitoyens, à ces orgueuilleux Cives Romani, ’estimaient qu’à cause de ce titre: «Allez... vos vertus sont, pour nous, des vices brillants. Notre sagesse est folie pour vous». Et il ne fut pas lapidé. Au contraire, on l’écouta avec stupeur et tristesse.

    ès lors il n’y avait plus d’accommodement possible. Il fallait exterminer les Chrétiens ou ensevelir la vieille Rome. Iln’y avait pas de St. Augustin ou Julien l’Apostat devait seul rester vainqueur.

    ècles. Siècles de misères et de souffrances sans bornes. Pendant ce temps le grand travail se faisait. Tandis que l’Empire, avili, en démence, rongé par la pourriture au centre, meurtri, roué de coups aux frontières, tombait en lambeaux — le prêtre, le moine, tranquilles, n’ayant rien à perdre, rien à enterrer, émancipés du culte traditionnel, continuaient leur propagande.

    Si on ouvre les écrits des premiers pères de l’Eglise, on est tout étonné de trouver entre les Romains une différence complète. Pas de trace, chez ces derniers, de ce chauvinisme qui rendait les citoyens de la ville éternelle si insolents envers les autres peuples; pas de trace de cette jactance frivole qui portait les Romains à s’admirer comme le de l’antiquité; pas de trace de ce patriotisme avide et exclusif qui poussait les Romains à applaudir avec frénésie à chaque victoire et à tout pardonner aux Césars, pourvu qu’il y eût un peuple sanglant et égorgé à genoux devant les légions invincibles.

    é impériale, la vieille Rome décrépite et passe à l’ennemi. La pensée sérieuse, le génie poétique, le talent fougueux et entraînant, tout se livre aux évêques et aux prêtres — ces anarchistes des premiers siècles. Rome n’a plus de grands auteurs; elle n’a que des stylistes. La rhétorique emporte le fond. Les gens, n’ayant rien à dire, ne font que parler. Pour cacher l’absence de l’initiative, la pauvreté de la pensée, ils remplissent de fioritures l’immense vide qui pèse sur eux, comme un reproche, comme un remords. C’est au point que si le semi-laïque Apollonius Sidonius nous intéresse encore, c’est uniquement parce qu’il a décrit les mœurs de son temps, et que nous pouvons suivre, avec une excitation toute nerveuse, dans ses récits, les progrès de la mort, les convulsions d’une civilisation qui agonise.

    ’un peuple vise, dans ses paroles, à l’effet, parle par des phrases faites et avec un étalage intempérant de grands mots, qui vous laissent froid comme glace, il est en pleine décadence, en plein Bas-Empire.

    Les peuples de l’Orient qui, sans doute, peuvent aussi avoir, un jour, leur régénération, ne parlent, dans le lourd sommeil de leur enfance sénile, que par des exagérations, et en remplaçant le sens par l’expression et le sujet par des adjectifs...

    ’exige pas moins, d’une nation chrétienne, que le Christianisme n’exigeait de la Rome polythéiste. Il ne demande pas moins, au soldat, au bourgeois, au citoyen, que ne demandait l’homme sans pays, sans origine, humble et pauvre, prêtre vagabond et mendiant, au patricien conservateur — si orgueilleux avec ses clients et si servile avec l’empereur — esprit fort en laticlave, qui baisait pieusement l’anneau portant l’effigie de César-Dieu.

    ée n’est pas de savoir — si la ôt dans les limites où Hamlet renfermait la sienne. Ce qui l’intéressait, ce n’était pas la mort, mais le rêve qui viendra après la mort.

    ù en sont les choses, nous pouvons encore admettre le beau rêve de la transfiguration sociale. Mais le sommeil lourd du dépérissement devient de jour en jour plus probable; et, dans ce cas, la France entrerait insensiblement, peu à peu, sans secousse, et tout en gardant les formes extérieures de la vie et de la civilisation, dans l’ennuyeux semper idem — vieillesse corrompue et servile, comme celle de Byzance, ou sèche, raide, grave, imposante par la forme et stationnaire par le fond, comme celle de l’Espagne.

    Ce n’est pas exclusivement l’état actuel de la France qui rend possible cette hypothèse. Nous l’avons dit, Bonaparte est un effet et non une cause. C’est le châtiment si l’on veut, mais la faute est ailleurs.

    ’Empire ne durerait pas deux jours s’il ne trouvait un point d’appui quelconque dans le caractère français. Il correspond nécessairement à des éléments parfaitement nationaux. On dira tout ce qu’on voudra; l’élection du 10 décembre 1848 fut libre et populaire.

    ’étalage de la puissance, les mesures extraordinaires qui immolent l’individu à l’Etat, l’homme à l’idée. C’est plus qu’il n’en faut pour le Césarisme. Peut-on, au contraire, imaginer, par exemple, une Angleterre bonapartiste?

    ’est opéré dans l’esprit populaire en France. La docilité passive indique en effet un travail intérieur; mais nous avons peu de faits pour déterminer ce changement.

    ès simple d’apprécier le lot de Dieu et le lot de César en France; le voici. Le régime abrutissant de l’impérialisme est détesté; car la France n’aime que la poésie du bonapartisme et non sa prose. Après tout, il n’y a pas de pays au monde qui courbe la tête sous le joug par amour pour la tyrannie. Toute la différence consiste en ceci, qu’un peuple souffre l’esclavage, pour un plat de lentilles ou pour autre chose, tandis que tel autre peuple ne s’en accommoderait pour rien au monde. Or, il y a une minorité de républicains, de socialistes qui protestent avec énergie contre l’oppression sous laquelle la France est écrasée. Cette minorité doit nécessairement être contre tout ce qui peut corroborer la puissance de Bonaparte et des janissaires qui le soutiennent. C’est évident.

    é d’une guerre entre la France et l’Angleterre.

    L’Angleterre maintenant avec fermeté sa liberté et le droit d’asile; «»[83] du ne peut tolérer près de la France un reproche si vivant et si accablant; et, dès qu’il se sentira assez fort, Bonaparte fera la guerre à l’Angleterre. Chacun à sa place en ferait autant.

    é française fera des vœux pour le succès des hordes zouaves en Angleterre et quelle autre regardera avec horreur cet attentat contre la liberté menacée de mort dans le dernier coin de l’Europe, et applaudira aux Waterloo futurs? Remarquez qu’il ne s’agit que de la minorité: quant à la majorité, on peut être sûr qu’elle verra avec enthousiasme l’humiliation de la fiѐre Albion.

    éfèrent la gloire militaire de leur patrie à la liberté, n’aiment pas la liberté. Ce sont des Romains de l’ancienne Rome, des braves de la grande armée; se sont les derniers Abencérages, les derniers Mohicans... tout ce que l’on voudra; mais ce ne sont pas les hommes du nouveau monde.

    épreuve à des séries de questions dumême genre. Le résultat sera presque toujours le même.

    ’autant plus fort qu’il ne s’en aperçoit pas. Le Français, convaincu qu’il est révolutionnaire et qu’il marche à l’avant-garde de l’humanité, n’a pas de preoccupations. Il est content de lui-même, et s’il a perdu son chemin et revient sur ses pas, il ne s’en rend pas compte. C’est justement ce qui nous fait penser que les Français devraient entreprendre un grand travail de remue-ménage intérieur, d’analyse psychiatrique. Cela leur serait si facile, ayant parmi eux de graves penseurs qui regardent, pleins d’amertume, tout ce qui se passe. Mais on ne les écoute pas. Ils sont trop peu patriotes, trop peu dans la tradition révolutionnaire, trop indépendants d’elle.

    C’est là qu’est le mal: car c’est peu de renier la France monarchique et féodale; elle n’existe presque pas. Il faut s’émanciper de la France de Béranger. C’est peu de ne pas sympathiser avec la St. Barthélémy, il faut aussi ne pas sympathiser avec les journées de Septembre. C’est peu de ne pas vouloir se venger de Waterloo, il faut ne plus se complaire dans le souvenir d’Austerlitz.

    ’histoire, il est facile pour la France d’entrer dans une autre phase, et c’est un immense avantage qu’elle a. L’Angleterre, par exemple, comme les énormes châtaigniers de ses parcs, tient à son sol par des racines qui vont se ramifier et se perdre dans les profondeurs de la terre. Par un travail séculaire, elle a accumulé des richesses immenses; l’alliage n’est pas séparé de l’or, et elle tremble de les séparer, craignant que le métal ne lui échappe. La France, au contraire, n’a rien de définitivement acquis. Elle n’a fait que secouer d’une main vigoureuse la poussière gothique et la poudre de Versailles, elle n’est pas entrée dans un état normal depuis 89, et elle est encore en proie à toute agitation convulsive, à toute incohérence de la lutte qui a, déjà deux fois, abouti à une négation complète de tous les droits. Aimant l’émeute et la centralisation, dénuée de l’instinct de la liberté — et voulant émanciper les autres peuples, intolérante au nom de l’indépendance, la France n’est pas arrivée à fixer les points cardinaux de son édifice social. Ayant eu une coalition formidable à combattre, distraite par la guerre, elle a perdu dans les victoires toutes les acquisitions de 1789.

    Elle a confondu la révolution avec la guerre, et ayant une fois voilé la statue de la liberté, elle n’a plus ôté le voile.

    énération en génération elle se lève, tient ses assises, reprend son alphabet de droit, le revise et puis l’oublie. Elle n’a pas de Credo de Nicée adopté une fois pour toutes; elle n’a pas de ,; ’a pas de principes fondamentaux reconnus: non, rien de pareil. Les Français recommencent chaque fois par le commencement. «Quels sont les droits imprescriptibles de l’homme? — Est-ce que la liberté de la presse est un droit imprescriptible? — Est-ce que le droit de réunion doit être garanti?» Toutes ces questions, impossibles en Angleterre depuis Cromwell, en Amérique depuis Washington, sont posées en France à chaque changement de gouvernement.

    Les solutions les plus excentriques sont quelquefois données à ces questions primaires; mais elles n’étonnent pas et même on les accepte. «Oui, les hommes peuvent se réunir si leur nombre ne dépasse pas 21. — Non, ils ne peuvent pas se réunir si leur nombre dépasse 21». Sur ce arrive une révolution, et de nouveau: «Quels sont les droits imprescriptibles de l’homme? — Est-ce que la liberté de la presse est un droit imprescriptible? — Est-ce que le droit de réunion doit être garanti?» — on change le dictionnaire et le vieil ordre de choses renversé reparaît aussitôt sous un autre costume. Cela me rappelle la farce qu’on jouait au Vaudeville, en 1848, — été c’est le vol. — Les agents de change sont abolis. Art. II. — Les agents de change sont rétablis sous le nom d’agents d’échange.

    à travers les évolutionnaires, on trouvera un élément constant dans toutes les variations, même dans les plus contradictoires; c’est le vieux péché romain — c’est le grand ennemi de la liberté — le gouvernementalisme, églementation d’en haut, l’imposition forcée par l’autorité. Chaque nuance qui arrive au pouvoir devient aussitôt Eglise, et — malheur aux schismatiques. Rien n’est laissé à l’individu; ses croyances, ses vertus, ses convictions, tout est ordonné par l’Etat. Des idées philosophiques sont proclamées sous forme de loi civile. On reconnaît l’Etre suprême par un décret. On oblige les gens à se tutoyer sous peine d’être suspects, et à être fraternels pour se mettre en règle avec la police. On intime l’ordre de croire à l’immortalité de l’âme... et ce n’est pas tout: on prend cela au sérieux; on obéit, et on punit les réfractaires.

    Quel amour effréné du pouvoir a dû se développer dans ces circonstances, et aussi quel profond mépris pour l’individu! Peut-on trouver étonnant que Louis XIV, ayant passé par le bonnet phrygien, soit devenu Napoléon.

    état de fluctuation, d’incertitude de l’alphabet social ne peut plus durer. L’Empire est là, exterminant la pensée et l’aspiration, persécutant le regret et la douleur, écoutant aux portes et regardant par les fentes, corrompant, achetant, à prix d’argent et de croix d’honneur. Si on le laisse faire, chez un peuple qui n’a que des notions contradictoires sur le droit, pendant une où deux générations, il sera peut-être trop tard pour la guérison.

    ’un autre côté le despotisme centralisé est toujours prêt à s’écrouler. Ce que Caligula désirait pour Rome, s’est accompli à Paris, — la France n’a qu’une tête. L’Empire met tout en enjeu sur une seule carte, qui peut sauter par une dépêche d’Eupatoria, par une bombe d’Orsini ou par le choléra du bon Dieu. — Et alors s’ouvre un champ immense.

    ée à ce point, la France peut-elle sortir — nouvelle Minerve toute armée de la tête fendue de cette larve qui l’enserre? — Nous l’espérons. Mais, dans tous les cas, elle n’en sortira pas sans avoir passé par le purgatoire d’une éducation bien différente de celle qu’elle a reçue jusqu’à ce jour. Il faut abjurer ses vieux péchés; il faut s’émanciper de la maison paternelle ou s’ensevelir sous ses ruines.

    éducation sera-t-elle longue?

    égénérer, de quatre siècles de Césarisme avant Constantin, et de quatre encore après. Mais avec un conducteur comme le César actuel, on est sûr de faire un chemin rapide. Et puis... de nos jours, les morts vont vite!


    Франция или Англия?
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