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    Prolegomena
    Prolegomena (перевод)
    Примечания

    PROLEGOMENA

    I

    Nous n'avons rien de nouveau à dire — une partie des essais que nous avons l'intention de publier est connue; dans les autres on ne trouvera que la récapitulation et le développement de ce que nous avons dit et répété depuis au moins vingt ans. Quelle est donc la raison de notre apparition? L'étonnante persistance de ne voir dans la Russie que son côté négatif et d'envelopper dans les mêmes injures et anatlièmes progrès et réaction, avenir et présent, détritus et germes.

    é du silence.

    é après 1848 par Donoso Cortès en laveur du catholicisme, apparaît avec une nouvelle vigueur dans le camp opposé. On est prêt à voiler encore une fois les «droits de l'homme», que l'on a oubliés, et à suspendre la liberté que l'on n'a plus, pour veiller au «Salut de la civilisation» menacée et — refouler ces Attilas en herbe et ces Alaric futurs, au delà du Volga et de l'Oural. Le danger est si grand qu'on a hasardé de proposer à l'Autriche de donner la main qui lui reste — à la Prusse, qui a amputé l'autre... que l'on a conseillé à tous les Etats d'entrer dans une sainte ligue d'un despotisme militaire contre l'empire des tzars. On écrit des livres, des articles, des brochures en français, allemand, anglais; on prononce des discours, on fourbit les armes... et la seule chose que l'on omet, c'est Гétude sérieuse de la Russie. On se borne au zèle, à la ferveur, à l'élévation des sentiments. On croit que,si l'on plaint la Pologne — on connaît la Russie.

    Cet état de choses peut amener des conséquences graves, de grandes fautes, de grands malheurs, sans parler du malheur très réel — d'être dans une complète erreur.

    étourne de la vérité — par une fatigue d'esprit, par une crainte de troubler un parti pris. Gœthe a remarqué que les vieux savants perdent avec les années l'instinct de la réalité, le talent d'observation et n'aiment pas à remonter aux bases de leur théorie. Ils se sont forme des idées arrêtées, ils ont tranché la question et ne veulent pas y revenir.

    Nous disions il y a dix ans[1]: «Il est difficile de s'imaginer jusqu'à quel point le cercle dans lequel se meut et se débat la généralité des hommes en Occident, est hermétiquement clos. Un fait nouveau les trouble, une pensée qui n'a pas de cadre, de rubrique, les alarme. La grande partie des journaliers de la publicité ont en réserve une provision de généralités, de générosité, d'indignation, d'enthousiasme et d'adjectifs qu'ils appliquent à tous les événements. On les change un peu, on les façonne, on les illumine de couleur locale, et tout est en ordre... Les facilitent extrêmement le travail, et sans l'intervention d'un fait rebelle, la roue va son train; aussi avec quelle colère mal cachée on rencontre ces intrus, comme on tâche de ne pas les apercevoir, de leur montrer la porte; et s'ils ne s'en vont pas — de les calomnier...»

    êché — que, au-dessous de la Russie militaire et despotique, conquérante et agressive — sauvant l'Autriche et aidant la réaction— il y a une Russie en germination, que des courants souterrains soufflent un air — tout autre que celui du Pétersbourg officiel.

    Le monde se livrait au désespoir, mais il resta inattentif à cette consolation.

    Ce qui paraissait paradoxal, avant la guerre de Crimée, est devenu, bientôt après, un fait évident, irrécusable. Le «Great Eastern» étachaitde ses glaces, prenait le large — et se heurtait contre l'insurrection de la Pologne.

    Les Polonais ont voulu réparer la faute de leur inaction pendant la guerre de Crimée — trop hâtivement et dans des circonstances peu favorables. Ils étaient malheureux dans leur mésalliance; le gouvernement russe, dur, insolent même dans les concessions. Leur impatience héroïque se conçoit. Voyant avec tristesse que le mouvement ne pouvait être différé, nous leur dîmes, la veille de leur insurrection[2]: «Frères, détachez-vous de la Russie, soyez indépendants, allez avec l'Occident, vous en avez tous les droits; mais en rompant avec la Russie — tâchez donc de la connaître». A cela, pas de réponse. Et il faut ajouter qu'il n'y a pas un peuple voisin qui connaisse moins la Russie que la Pologne[3]. En Occident on ne connaît pas la Russie tout de bon. Les Polonais l'ignorent avec préméditation. Que de malheurs auraient été évités, si les Polonais n'eussent eu peur de trouver quelque chose de bon dans leur ennemi. Ils disaient bien en 1831: «Pour votre liberté et la nôtre!» Mais quelle est la liberté vers laquelle nous aspirons? Est-ce là même?.. Les Polonais confondent bien souvent la liberté avec l'indépendance politique. Nous l'avons, et c'est notre dernier souci; nous ne pouvons la perdre.

    — ses articles de journaux. Tristes et pleins de noirs pressentiments, nous étions les premiers Russes à saluer «ceux qui allaient à la mort». Les Polonais ne représentaient pas pour nous le nouveau principe et l'avenir — mais ils représentaient le droit, l'histoire;était de leur côté.

    Ce n'est pas non plus avec une aspiration vers un idéal qu'ils se mirent en marche — ils voulaient revendiquer, rétablir, ressusciter. C'est précisément là que gît notre différence. Nous avons beau regarder autour de nous — nous n'avons rien à revendiquer, à exhumer, nous n'avons, qu'à déblayer le champ pour nos aptitudes et nos tendances. Pourtant nous étions cœur et âme avec les Polonais, et nous n'avions qu'une angoisse: nous appréhendions que leur insurrection n'entravât notre marche, sans atteindre le but. Nos prévisions se réalisèrent, et le hideux Mou-ravioff, après avoir fini avec la Lithuanie, fut appelé à présider une inquisition politique à Pétersbourg. L'unité de la terreur et du bourreau a confondu les martyrs de deux causes.

    èrent — on put aisément constater, à travers les sanglots et les cris de rage, deux jaits. êtes convaincus de l'un, nous n'avons aucun doute quant à l'autre. L'un, c'est que la Pologne polonaise n'a pas péri; l'autre, c'est que le mouvement été arrêté- C'est un fait très grave, et nous ne demandons qu'une enquête pour constater notre erreur ou admettre que nous avons raison. Au lieu de le-faire, on jette des cris d'alarme et d'exaspération, on invente des offenses ethnographiques, on accable la Russie à coups de philologie frelatée. On la chasse de l'Europe, on la chasse des Iraniens. Est-ce sérieux tout cela?

    Nos braves ennemis ne savent pas même que nous sommes très peu vulnérables de ce côté; nous sommes au-dessus des susceptibilités zoologiques et très indifférents à la pureté de race; ce qui ne nous empêche nullement d'être parfaitement Slaves. Nous sommes contents d'avoir du sang finnois et mongol dans les veines; cela nous met en parenté, en rapport de fraternité avec ces races parias, que la démocratie humanitaire de l'Europe ne peut nommer sans dédain et offense. Aussi nous n'avons pas à nous plaindre de l'élément touranien. Nous avons poussé un peu plus loin que les purs Slaves de la Bulgarie, Serbie, etc.

    On nous chasse de l'Europe — comme le bon Dieu a chassé Adam du Paradis. Mais est-ce qu'on est bien sûr que nous prenons l'Europe pour un Eden et le titre d'Européen pour un titre d'honneur? On se trompe fortement de temps. Nous ne rougissons Pas d'être de l'Asie, et nous n'avons aucun besoin de nous annexer à droite ou à gauche. Nous nous suffisons, nous sommes une-Partie érique et l'Europe, être les Allemands de Pétersbourg se scandalisent-ils fortement de la perte de leur slavisme pur, de leur iranisme japhétique, et sont-ils profondément offensés de ce qu'on ne veut pas d'eux en Europe.— Peut-être les enragés de Moscou, pour comble de ridicule, commenceront-ils une lutte scientifique— cela ne nous regarde pas du tout.

    Et c'est grâce à vous, nos maîtres de l'Occident, grâce à votre science que nous avons tant de philosophie. Arriérés en tout, nous avons été en apprentissage chez vous—et nous n'avons pas rebroussé chemin devant les conséquences qui vous ont fait dévier. Nous ne cachons pas le bien que nous avons reçu de vous. Nous prîmes votre lumière pour éclairer l'horreur de notre position, pour chercher une porte ouverte, pour en sortir — et nous l'avons trouvée grâce à vous. С'est assez maintenant — que nous savons marcher seuls — de férule du maître, et si vous nous maltraitez — adieu l'école!

    «en cérémonie», dites-nous: pourquoi voulez-vous à toute force vous faire un ennemi du jeune Ours? — Est-ce qu'il ne vous suffit pas de guerroyer avec le vieux, à vous et que nous haïssons plus que vous ne le haïssez? Pensez à cela que le vieux dépend beaucoup plus de vous que le jeune; il n'est pas libre moralement, vous pesez sur lui par votre autorité. Il murmure, il boude, mais il s'offense de vos critiques, parce qu'il vous respecte et vous craint — non votre force physique, mais votre supériorité intellectuelle, votre morgue aristocratique. La bosse de la vénération nous manque; nous n'avons pas le même sentiment de respect pour tout ce qui est occidental. Nous vous avons vus, dans des moments, bien faibles. La seule chose que nous estimons chez vous, sans bornes, religieusement, Mais la science, c'est tout l'opposé de vos institutions, de votre intolérance, «de votre Etat, de votre morale, de vos croyances. Vous avez l'art de couvrir, par vos aspirations généreuses, par vos sublimes inconséquences, l'abîme qui sépare la vie de la science — mais l'abîme reste.

    Nous vous avons vus de trop près et nous vous connaissons — nous sommes habitués à vous aimer et à vous connaître — vous nous ignorez et vous nous niez. — Nous protestons.

    à la limite de deux mondes, que l'on excite à se ruer l'un contre l'autre, appartenant par mille liens aux deux, nous ne pouvons pas nous taire et nous nous hasardons encore une fois à signaler la fausse route et à crier du haut de notre guérite: «Gare à l'erreur!»[4]

    II

    Nous voulons commencer par dire, le plus brièvement possible, comment l'état actuel de la civilisation occidentale se reflète dans notre intelligence d'étrangers, de spectateurs, d'hommes formés par votre science, mais qui ayant une autre origine et une autre tradition — vont leur chemin très difficile — sans admirer le vôtre. Vous êtes peu habitués à entendre les opinions qui viennent du dehors. Vous avez été si longtemps la seule grande histoire grand présent, que les Anacharsis intimidés n'osaient dire franchement leur opinion; et lorsque vous vous mettez vous-mêmes dans leur rôle, en écrivant des lettres persanes, turques, américaines et autres, vous ne faites que la critique des détails. Si quelquefois vous dites une vérité désagréable, gare à celui qui touche la reine, n'étant pas de la famille!

    Les temps ont changé rapidement. L'auréole qui vous entourait n'offusque plus la vue. Votre règne unitaire et incontesté est troublé par une voisine peu commode et remuante. On se tourne vers sa nouvelle maison, au delà de l'Océan — on trouve qu'elle vous continue en vous éal est à vous, la réalisation à elle.

    Votre civilisation est comme une mer qui déborde, elle ne peut ni rester dans son ancien lit, ni dépasser les limites fatales. Elle se heurte de tous côtés à des rochers qu'elle ne peut ni engloutir, ni dépasser, ni entraîner; de là une étrange confusion, une agitation stérile; on attaque — on est refoulé, et fiasco sur fiasco.

    êtes trop avares pour céder une partie de l'héritage et vous n'avez, non plus, assez d'abnégation pour vous résigner au repos honorable d'une reine douairière, qui oubliant la royauté ne s'occupe plus que de son ménage. Vous restez en conséquence dans un état de fluctuation provisoire; vous êtes, sans le savoir, sincèrement hypocrites, et vous vous contentez des mois, sans avoir la réalité.

    Les formes et les bases de l'organisation actuelle de l'Etat, de la société — telles qu'elles se sont élaborées, au fur et à mesure, par l'histoire, sans unité ni plan — ne correspondent plus aux exigences de l'Etat rationnel qui s'est formulé dans la science et conscience d'une minorité active et développée. Tout ce que les vieilles formes avaient d'élasticité, elles l'ont prêté; toutes les combinaisons, tous les compromis ont été faits. Les réformes ne peuvent aller plus loin sans les faire éclater, sans ébranler les bases éternelles de la société. Il faut que l'esprit recule et avoue, avec une humilité toute chrétienne, que son idéal «n'est pas de ce monde», ou <qu'il> se décide à briser les formes et à ne plus s'inquiéter du sort éternelles.

    éternelles ne sont rien autre que les bases très temporelles d'une organisation bicéphale, hybride — d'un Etat exféodal, bourgeois et militaire — d'un compromis flottant entre les extrêmes — d'une diagonale peu sûre entre la liberté et l'autorité, d'un éclectisme social et politique — neutralisant toute initiative. Vers ce juste milieu gravissent, en oscillant, les nations civilisées. Celles qui ont vaincu les forces perturbatrices, comme la Hollande, se trouvent très bien. Il est possible que les peuples latino-germaniques n'iront pas plus loin, que c'est leur état définitif. Les rêves d'un passé, les rêves d'un avenir les troublent encore et ne leur permettent pas de s'asseoir carrément dans leur position. Ces remords platoniques se calmeront comme les douleurs des chrétiens se calmèrent à l'endroit des péchés du genre humain — ils resteront comme de beaux souvenirs, des pia desideria, énéreux, comme la prière du riche pour les pauvres. Il n'y a au reste aucune nécessité absolue que l'idéal formulé se réalise dans une telle localité ou dans une autre, pourvu qu'il se réalise. Est-ce que l'Inde n'est pas restée dans le rôle de Mère et la Judée dans celui de Jean le précurseur? On ne s'arrête pas où l'on veut, mais là où les forces manquent, où la plasticité, l'énergie manquent. Nous ne voulons nullement dire que le monde latino-germanique soit exclu de la nouvelle palingênésie sociale, qu'il a lui-même révélée au monde. Tous sont invités par la nature et par l'histoire, mais il est impossible d'entrer dans le nouveau monde, en portant, comme Atlas, le vieux monde sur ses épaules. Il faut mourir «dans le vieux Adam» pour ressusciter dans le nouveau—c'est-à-dire il faut passer par une révolution réellement radicale.

    ès bien qu'il n'est pas facile de définir, d'une manière concrète et simple, ce que nous entendons par révolution radicale. Prenons encore une fois le seul exemple que l'histoire nous offre:   la révolution chrétienne.

    «ville éternelle» s'en allait, battu par les Barbares, par l'épuisement, succombant sous le fardeau trop lourd que Rome mettait sur ses épaules. Une grande partie de son idéal de conquérant était réalisée, le restant ne suffisait plus pour le pousser. Il possédait son passé, le prestige de la force, de la civilisation, de la richesse; il pouvait tout de même traîner longtemps, ramolli et fatigué. Mais arrive une révolution qui lui dit en face: «Tes vertus sont des vices brillants pour nous; notre sagesse est absurde pour toi, qu'avons-nous donc de commun?» Il fallait l'écraser ou tomber devant la croix et le crucifié.

    égende (Heine s'en est si bien souvenu, dans son voyage de Helgoland) de ces bateliers retournant,effrayés, agités, de la Grèce en Italie. Ils racontaient (c'était du temps de Tibère) qu'une nuit, lorsqu'ils touchaient la terre du pélopo-nèse, un homme sinistre apparaissait sur les rochers, leur faisant signe d'approcher et leur criant à haute voix: «Pan est mort!»

    était pas mort alors, le vieux Pan, mais il agonisait et il n 'y avait plus de remède pour le sauver que la mort. Son extrême-onction durait des siècles. Il se convertit, prit l'habit et légua tout son avoir à l'Eglise. Un moine se mit à la place des Césars, l'Olympe devint un jardin de lazaret et se remplit des moribonds* des desséchés, des sans-soxes, des exécutés; un gibet avec un cadavre prit la place de Jupiter, et celle de ses joyeux convives — deux femmes en larmes. Voilà ce que nous entendons par révolution radicale.

    Les restes, les fragments, les pierres désagrégées de l'ancien édifice se conservèrent, mais furent incorporées dans le nouveau, mais ne primèrent plus.

    Le monde chrétien, de son côté, a eu ses grandes crises et ses-grandes évolutions, transformations, mais pas une La. Renaissance, la Réforme ne sortent pas de l'Eglise, elles la simplifient, l'humanisent, l'ornent et l'adorent dans la nouvelle-édition. La Révolution même représente la sécularisation du christianisme et la canonisation du monde antique. Elle est chrétienne et romaine par son génie, sacrifiant sans pitié l'individu au «salus populi», au Moloch de l'Etat, de la république, comme l'Eglise sacrifiait l'homme vivant au «salut de l'âme, à la gloire-de Dieu». La Réforme, la Révolution firent, en luttant, des pas de géant et frisèrent des principes parfaitement justes, mais-irréalisables dans la condition donnée de l'Etat. Les pièces de résistance, les masses de vieilles murailles qu'elles entraînèrent dans leur nouvelle cité, empêchaient chaque pas. Ils perdaient toute l'énergie en contradictions insolubles, en luttes sans issue..

    Droits de la raison.

    Liberté, Egalité, Fraternité.

    L'inviolabilité de l'individu se brisait à la protection absolue de la propriété par l'Etat. Le droit de l'homme heurtait le droit romain. Le droit de la raison était nie par une religion armée. Et ainsi de suite. La liberté était impossible avec un gouvernement fort, avec une Eglise de l'Etat et une armée aussi de l'Etat. Pas égalité avec l'inégalité du développement, entre les sommets inondés de lumière et les masses couvertes de ténèbres. Pas de é entre le maître qui use et abuse de son avoir et l'ouvrier qui est usé et abusé parce qu'il n'a rien. Quel est le génie qui pourrait réunir en une formule harmonique, résoudre en une équation, énoncer d'une manière intelligible le rapport et l'action mutuelle des grandes forces contradictoires, des facteurs hétérogènes qui s'entre-déchirent et restent en même temps bases de la société moderne? Est-ce qu'il y a quelque chose de commun entre la jurisprudence et la science économique, entre le tribunal et la statistique? peuvent-elles convenablement coexister? Vous le sentez, vous le savez, à. cause de cela que vous commettez un péché contre l'esprit. Vous êtes dans l'état d'un homme qui a levé une jambe pour passer la frontière, et saisi d'un accès de nostalgie, reste dans cette position lamentable.

    ès du foyer paternel et ôter les habits d'un révolutionnaire en voyage. Le cumul de conservatisme et de ré-volutionarisme commence à révolter. Vous avez des remords, et pour vous justifier à vos yeux, vous répétez la vieille chanson des dangers de la morale, de l'ordre, de la famille, surtout de la religion. Et vous-mêmes, vous n'en avez pas, sauf un mince déisme impuissant et stérile. La religion vous apparaît seulement comme le grand frein pour les masses, la grande intimidation dessimples, le grand paravent qui empêche au peuple de voir clair ce qui se passe sur la terre, en élevant ses yeux vers le ciel.

    Morale, famille. Quelle morale? La morale de l'ordre, de-l'ordre la morale du respect de l'autorité et de la propriété; le reste — fioritures, ornements, décors, sentimentalisme et rhétorique.

    Et quand est-ce qu'une révolution s'est présentée comme immorale? Une révolution est toujours austère, vertueuse par métier, pure par nécessité; elle est toujours dévouement, parce qu'elle est toujours danger, perte des individus au nom de la généralité.

    Est-ce que les premiers chrétiens étaient immoraux? ou les Huguenots, ou les Puritains, ou les Jacobins? Ce sont les coups de main, les coups d'Etat qui ne sont pas excessivement immaculés, mais ce sont des étrovolutions. à la religion, la révolution n'en a pas besoin, elle est elle-même religion.

    Le socialisme même, dans ses phases les plus exaltées, juvéniles dans le saint-simonisme et le fouriérisme, n'est jamais allé ni à la communauté des biens des Apôtres, ni à la république d'enfants trouvés de Platon, ni à la négation de la famille au point de créer des institutions d'infanticide anticipé et des maisons publiques de célibat et d'abstinence...

    Il ne s'agit, en réalité, ni de famille, ni de morale, il s'agit de sauver é et beaucoup de propriété; le reste, c'est de l'éloquence, de la circonlocution. La propriété, c'est le plat de lentilles pour lequel vous avez vendu le grand avenir auquel vos pères ont ouvert les portes grandes en 1789. Vous préférez l'avenir sûr d'un rentier retiré des affaires, parfaitement bien — mais ne dites pas que c'est pour le bonheur de l'humanité et le salut de la civilisation que vous le faites. Vous voulez toujours entourer votre conservatisme obstiné de signes révolutionnaires; cela offense et vous outragez les autres peuples, comme si vous étiez encore à la tête du mouvement; l'offense frise le ridicule.

    ès inhumainement à une nation malheureuse: «Vous ne savez pas mourir». Nous voudrions vous dire: «Vous ne savez ni renaître, ni vous résigner à une vieillesse verte et franche». Notre position, à nous, est pire que la vôtre, plus grossière, mais beaucoup plus simple, et n'oublions pas que chez vous c'est le couronnement de l'édifice, pilotis de fondement.

    III

    Nous sommes à la veille de notre histoire. Nous avons végété, nous avons pris corps, nous nous sommes installés, nous avons passé un rude dressage — et nous n'apportons que la conscience de nos forces, de notre aptitude. Ce sont des symptômes plus que des faits. Nous n'avons, à proprement parler, jamais vécu; nous avons été mille ans à ècles à l'école, à l'imita- tion. Nous ne faisons que sortir de la germination, et bien nous en suit[5].

    Toutes les richesses de l'Occident, tous les héritages nous manquent. Rien de romain, rien d'antique, rien de catholique, rien de féodal, rien de chevaleresque, presque rien de bourgeois dans nos souvenirs. Aussi aucun regret, aucun respect, aucune relique ne peuvent nous arrêter. Nos monuments, on les a inventés convaincu que l'on était qu'un empire comme il faut doit avoir ses monuments. La question, pour nous, ce n'est pas la conservation de nos agonisants, ni l'enterrement de nos morts, cela ne nous donne aucun embarras, mais bien de savoir où sont les vivants et combien il y en a.

    Descendants de colons et non de conquérants, nous sommes un peuple de paysans, surmonté par une légère couche de détachés. ève. Les torrents de Slaves, tombant dans les plaines entre le Volga et le Danube, s'assirent là, où ils se sentaient fatigués et occupèrent le sol qui leur plaisait, comme un élément qui n'appartenait à personne. Ils n'avaient pas de titres, ils avaient la faim et la charrue. Les peuplades finnoises qui vivotaient dans ces forêts, dans ces déserts, étaient englobées par les Slaves. Elles continuaient leur pauvre existence, ou se fondaient avec les nouveaux venus, en laissant quelques mots dans leur langue et quelques traits dans leur figure.

    Rien d'héroïque, d'épique dans ces origines — défrichement, travail et croisement avec ces pauvres Touraniens, auxquels en veulent tant les publicistes de l'Occident.

    Des villes très clairsemées surgissent, des villages fortifiés, des principautés commencent à se former en un Etat fédéral assez informe. Puis le joug des Mongols, lutte et affranchissement, unité forcée, et un Etat en croissance. Cet Etat rudimentaire se obstinée qui n'est pas dans le caractère slave. C'est peut-être le premier fruit de l'assimilation de ces races cyclopéennes, immobiles et fortes par leur persistance minéralogique, par leur adhésion élémentaire, par leur longanimité endurante. S'ils ont altéré la pureté slave de notre sang, ils ont corroboré l'Etat qui a servi de noyau à la Russie moderne.

    Le peuple de paysans se transformant en un Etat, à que gît son avenir et son originalité, la foi que la terre qu'il cultive lui appartient, qu'elle est inaliénable tant qu'il reste dans la commune, et qu'une commune nouvelle le recevant, lui doit la terre. Le gouvernement n'y comprenait rien et laissa les us et coutumes jusqu'au temps de l'introduction du servage (XVIIe siècle), donnant alors terres et paysans aux seigneurs, à la famille régnante, à l'Etat.

    Le principe du droit à la terre n'est pas discutable; c'est un fait, non une thèse. La notion originaire de la propriété a été très bien éliminée de la discussion par Proudhon. C'est une donnée primordiale, un dogme «d'origine divine», c'est une ère de l'histoire. On trouve un rapport de l'homme à la propriété préexistant à l'histoire, permanent, comme celui qui c'est développé par le droit romain, les coutumes germaniques, et qui continue en Occident dans les voies de l'individualisme, jusqu'à la rencontre des idées sociales qui le nie et l'arrête. On trouve inculte en Orient qui se développe en Russie sur une base communale, et qui va à une jonction avec le socialisme qu'il affirme qui lui donne des proportions tout autres, et lui ouvre un avenir immense.

    Il semble que toute l'histoire sombre et lourde du peuple russe n'a été soufferte qu'en vue de ces évolutions par la science économique, de ces germes sociaux. On serait tenté d'applaudir la marche lente du développement historique chez nous.

    érie de siècles monotone et écrasante, courbé sous le joug de la pauvreté, courbé sous le fouet du servage, il conserva sa Etrange et lugubre voie d'un développement dans lequel, très souvent, le mal apportait le bien et vice versa. Un des coups les plus durs qu'a subis le peuple russe était le coup de civilisation, qui tâchait de nous dénatio- naliser sans nous humaniser, et c'est elle qui nous fit la révélation de nous-mêmes, qu'elle abhorre.

    Le peuple des champs a été laissé en dehors de la civilisation imposée. Le grand pédagogue, Pierre Ier, se contentait de river plus fortement les chaînes du servage. Le paysan, conspué, outragé, pillé, vendu, acheté, releva la tête pour un instant, versa des fleuves de sang, fit frémir Catherine II sur son trône; et, battu par les armées de la civilisation, retomba dans un désespoir morne, passif, ne tenant plus qu'à sa terre, à cette dernière mamelle qui l'empêchait de mourir de faim et que le servage même ne savait lui arracher. C'est ainsi qu'il est resté immobile et dans un état de prostration, de désespoir, presque un siècle entier; protestant quelquefois par l'assassinat du seigneur ou de malheureuses révoltes partielles.

    é passait les Balkans et les Alpes, remportait des victoires et élargissait les frontières de l'empire, son père, son frère mouraient sous la verge, pillés légalement par une noblesse avide, dépensière et sauvage; tout lui était ôté, sa force musculaire, sa femme, son enfant — et par un illogisme étonnant, la terre (amoindrie, écourtée, mal choisie avec intention) lui restait.

    èrent sur elle faisant un nouveau lien entre elle et le pauvre patient persécuté! Personne ne saura ce qu'il a souffert pendant ces cent ans de prospérité de l'Etat. Sa plainte, son cri de douleur et d'agonie, son reproche, tout est perdu dans les archives d'une police inexorable, dans les souvenirs éparpillés de quelque servante, de quelque valet de chambre. Ce Laocoon succombait avec ses fils par une obscure nuit d'hiver, sans avoir un statuaire pour témoin de sa lutte inégale avec deux serpents — la noblesse et le gouvernement. La neige a tout couvert par son linceul,— et c'est ce crime historique, ce crime en détail, qui frappait chaque village, chaque commune, qui, en se perpétuant, en durant, a aidé le paysan malheureux à faire légaliser son droit à la terre.

    Si l'émancipation était venue avant notre temps, on aurait ôté la terre au paysan sans lui donner une liberté réelle. Un demi-siècle de martyre et de douleur de plus a sauvé son grand instrument de travail. Le droit à la terre ésister à la pression des idées économiques de l'Occident, appuyées non seulement par le gouvernement, si indifférent quant au choix des moyens, mais aussi par les «éclairés», les libéraux, les doctrinaires, les publicistes. Ce n'est qu'après la formidable critique de l'ordre des choses existant par le socialisme, que le principe vital du développement russe a pu être sauvé.

    La terre a été presque partout oubliée par les révolutions en Occident; elle était au second plan, comme les paysans. Tout se faisait dans les villes et par les villes, tout se faisait pour le tiers-état, on songeait quelquefois après à l'ouvrier des villes, presque jamais au paysan. Les guerres des paysans en Allemagne font une exception, aussi demandèrent-ils à hauts cris la terre, et ils furent complètement écrasés. Il y avait sécularisation, confiscation, morcellement, changement de main, de classe, déplacement de la propriété foncière; le tout ayant des conséquences très graves; il n'y avait ni une base nouvelle, ni un principe, ni une organisation générale. Nous n'avons rien entendu, ni des hauteurs de la Convention, sauf Robespierre, qui est venu à la tribune renier ses velléités agraires, ni des barricades de Juin. Un des hommes les plus avancés, Lassale, trouve que la terre attache trop, fixe trop, alourdit la libre individualité de l'ouvrier, retient sa marche comme un boulet attaché à ses pieds; tandis que nous aimons mieux sentir sous nos pieds le sol nourricier, que de nous balancer dans l'air, au gré des vents, sans autre appui contre la misère que la double misère de la grève.

    la solution és que c'est une des solutions. Les idées sociales, dans leur incarnation, auront une variété de formes et d'applications comme le principe monarchique, aristocratique, constitutionnel. Notre solution n'est pas «ne utopie, c'est une réalité, un fait naturel, je dirai physiologique. Les conditions géographiques nous sont propices. Le concours des circonstances extérieures doit correspondre à la velléité, à l'aptitude du nouvel organisme, sinon il avortera. Qu'aurait fait l'Amérique du Nord sans ses données territoriales? De l'autre côté, les meilleures conditions extérieures ne suffisent pas. Qu'ont fait les Espagnols au delà de l'Océan?

    à nier ou à affirmer le droit à la terre, mais à l'élever à la conscience, à le généraliser, à le développer, à l'appliquer, à le par l'indépendance personnelle.

    La commune patriarcale concédait la terre à l'individu au prix de sa liberté. é au sol, à la commune. C'est avec la terre qu'il passa au seigneur, c'est avec la terre qu'il s'émancipe. Il faut l'émanciper de la terre sans qu'il la perde. Il lui faut la Terre et la Liberté. Il y a une opinion bien arrêtée en Occident, que chaque pas vers les droits de l'individu sera nécessairement pris sur le droit communal. D'où est-ce qu'on sait cela? С 'est pour la première fois que la commune agraire se trouve enlacée dans un développement social d'un grand Etat. Or il faut attendre à quoi aboutira ce mouvement avant de tirer les conséquences. Cette observation appartient à Stuart Mill. Les faits récents prouvent qu'il n'y a rien d'incompatible dans ces termes de possession communale et de liberté individuelle. Un spectacle immense se produit à côté du monde, qui a fait infructueusement toutes les expérimentations possibles, depuis le phalanstère et l'Icarie, jusqu'aux associationségalitaires. La commune rurale et l'individu rural ont fait des pas de géant en Russie depuis 1861. Le principe rudimentaire du  self-governement[6], écrasé par la police et le seigneur, se détache de plus en plus de ses langes et de ses liens; l'élément électif s'enracine, de lettre morte devient réalité. Le maire, les juges communaux, la police rurale, tout est électif, et déjà les droits du paysan s'étendent loin au delà de la commune. Il la représente dans le conseil général de la province, dans le jury, et il faut lire les journaux pour savoir comment il s'y prend. Il acquitte quand il peut, il acquitte dans le doute. Eh bien, sa croissance n'est pas marquée, ses pas en avant ne sont pas comptés... et, loin de là, lorsque cette poussée immense d'hommes se réveille, pleine de force, de santé, les civilisés les taxent de bétail humain, d'accord en cela avec les beaux restes de nos seigneurs.

      fraternaux,   qui ont des soupirs pour les Peaux-Rouges et des sociétés pour la protection des animaux de toutes couleurs, regardent avec dédain ou ne regardent pas du tout un peuple entier qui entre dans la possession d'un terrain immense, et dont le premier mot est une non seulement réalisable, éalisée! Un peuple qui a mis à la place d'un droit vague «au travail» le droit explicite «à la terre», et qui au lieu de répéter le terrible cri du désespoir: «Qui a du plomb a du pain», est convaincu qu'il a «du pain parce qu'il a la terre».

    communisme russe, asiatique, touranien, et l'on a fini sommairement avec lui, en disant que tous les sauvages ont é étariat, civilisé; que la terre manquera un jour, que l'agronomie ne peut prospérer dans ces conditions, etc., etc. Bien avant l'émancipation des paysans, un seul homme s'aperçut de la signification de la commune rurale chez nous, c'est Haxthausen, que j'ai nommé plus haut. Rencontrant quelques vestiges d'institutions communales aux bords de l'Elbe et frappé de leur organisation, il s'en va, en 1846, explorer la Russie un peu au-dessous du pavé sur lequel roulait l'élégante calèche du marquis de Custine; il traversa hâtivement Pétersbourg, Moscou et s'enfonça, dans la terre noire. Il en revint en prêchant la commune russe et montrant du doigt ses éléments socialistes et républicains. étrange hasard, c'était la veille de la révolution de 48, la veille du premier essai, en grand, d'introduire le socialisme dans l'organisation de l'Etat. L'à-propos était admirable, mais l'essai échoua et la préoccupation des esprits était telle, que le livre de Haxthausen glissa inaperçu.

    Nous avons aussi essayé d'élever notre voix au milieu de l'abattement général et de la plus sombre réaction (1850 —1855), nous n'avons pas mieux réussi que le vieux baron westphalien; on fit semblant de prendre note, on passa outre. Les événements parlèrent à leur tour. Un souffle de vie traversa la Russie: le servage tombait, la noblesse tombait, le vieil édifice du tribunal inquisitorial s'écroulait; des voix formidables se firent jour à travers les grilles de la censure; le gouvernement, entraîné pour un moment par le courant, était mal à son aise, et pas loin de faire des conces- sions. Une doctrine réaliste, forte, jeune, se formulait de plus en plus, avec une logique inexorable et une audace de conséquences et d'applications à toute épreuve. Tout cela passa comme une ombre inaperçue... L'attention était ailleurs, le monde occidental ne regardait que l'atroce tragédie qui se déroulait en Pologne. Oui, c'était une tragédie d'autant plus atroce qu'on ne s'y attendait pas. En 1861, tout le monde, en Russie, était pour la Pologne; le gouvernement n'était pas encore décidé entre une petite charte et un gibet, entre un grand-duc ou Mouravioff,— lorsqu'une iinain puissante lui est venue en aide, la main de la diplomatie européenne, avec ses notes pacifiquement guerrières. A la piqûre de cette intervention à main désarmée, un patriotisme farouche s'empara de la société; tout ce qui couvait encore de sauvagerie au fond de l'âme russe, surnagea avec une insolence qui n'avait pas d'exemple dans notre histoire moderne. On se rua sur la Pologne et sur la Jeune Russie. Ce n'est qu'alors que le gouvernement se sentit assez fort pour commencer le procès terrible de tendances, procès à cent têtes, sans fin, absorbant victime sur victime, s'étendant sur tout le pays et qui continue encore.

    êtes pas responsables des malheurs que vos secours diplomatiques ont fait tomber sur la pauvre Pologne, nous savons très bien que vous n'avez pas de part dans les affaires publiques. On vous passe les actes pour les discuter, comme on passe les malades des hôpitaux à la chambre de dissection,— après leur décès. Nous sommes trop dans la même position pour ne pas avoir la délicatesse du ménagement. Malheureusement vous vivez dans un monde de fictions et d'illusions, comme les descendants des ci-devant familles souveraines rêvent toujours la couronne perdue sur leur tête —vous aussi, vous rêvez à émanciper les peuples, à défendre leurs libertés comme les vôtres.

    és... et où sont-elles?

    Il faut monter bien haut sur les Alpes ou traverser la mer pour en voir un petit bout.

    L'orgueil d'un grand passé ne vous permet pas de voir ni votre état actuel, ni ses causes, ni le danger qui vous menace.

    ôté de la Russie; si la Russie a été jusqu'à Paris, c'est qu'il y avait des Prussiens et autres Allemands pour l'accompagner et lui montrer le chemin. Votre danger est dans l'avortement de la Révolution.

    Il est cruel de troubler les rêves d'un viellard que nous estimons, mais pourquoi est-il si arrogant et si aveugle, si provocateur, si intolérant? On pourrait penser qu'il parle encore de la tribune de la Convention, fièrement appuyé sur les droits del'homme, inviolable, libre, respecté. On pourrait penser que c'est l'Europe de Voltaire et des encyclopédistes, des jacobins et des girondins, de Kant et de Schiller.

    La liberté est aux Etats-Unis et ce sont eux qui, bien loin d'une haine contre la Russie, lui tendent une main amicale en vue de son avenir.

    Nous sommes tout prêts à honorer en vous votre passé. Nous ne demandons pas mieux que de couvrir vos plaies, par gratitude pour l'enseignement que vous nous avez donné; mais un peu de justice pour ceux et qui ont leur demain assuré.

    Malheur oblige, oblige au moins à ne pas jeter des pierres aux autres, à ne pas continuer le rôle impossible de régulateur et libérateur du monde entier, du grand horloger de l'univers.

    Votre pendule s'est arrêtée.

    IV

    commune rurale, tranquille dans son attente, lente, mais sûre dans son développement; conservatrice comme la mère qui garde l'enfant dans son sein, souffrant beaucoup, souffrant tout, sauf la négation de sa base, de son fondement. Elément féminin et pierre angulaire de tout l'édifice, sa monade, l'alvéole du tissu énorme qu'on appelle la Russie.

    En haut, à côté de l'Etat qui écrase, du gouvernement qui ée libre devient une force, une puissance reconnue par ses ennemis, signalée par l'empereur dans une épître scolasti-que adressée au président du Conseil d'Etat, signalée par l'Eglise myope et endormie, signalée par la police littéraire à la police chasseresse sous le nom de nihilisme.

    Ce nihilisme âlit et cria à ses ministres en leur montrant «quelques jeunes gens obscurs» «Prenez garde à vous!» Il avait raison ou ceux qui lui avaient soufflé la peur. Cette opinion trop libre, cette pensée sans entraves théologiques, sans considérations mondaines, sans idéalisme, romantisme, sentimentalisme, sans vertu de parade et rigorisme affecté,— ne relevait que de la science et ne marchait que dans ses voies. Cette nudité a fait peur, cette simplicité a glacé le cœur des autorités.

    Une question se présente tout naturellement: où trouver un pont possible entre cette pensée, sans autre frein que la logique, et la commune affranchie; entre le savoir cru et scrutateur et la foi aveugle et naïve; entre la science adulte et âpre et le grand enfant profondément endormi, rêvant que le tzar est son bon père et la madone le meilleur remède contre le choléra et les incendies? êvant aussi que la terre qu'il cultive lui appartient. La minorité réaliste se rencontre avec le peuple sur le terrain des questions sociales et agraires. Le pont est donc tout donné.

    La pensée, le savoir, la conviction, le dogme, ne restent jamais chez nous à l'état de théorie et d'abstraction, ne vont pas se confiner dans un couvent académique ou se cacher dans l'armoire d'un savant, parmi les poisons; au contraire, ils s'élancent sans être mûrs, avec trop de précipitation, dans la vie pratique, voulant sauter à pieds joints du vestibule à la fin de l'arène. Nous pouvons vivre, et longtemps, dans un état de torpeur morale et de somnolence intellectuelle, mais une fois la pensée réveillée, si elle ne succombe, tout d'abord, sous le fardeau du milieu lourd et écrasant; si elle résiste à l'offense et à la distraction, au danger et à la nonchalance, elle s'empresse d'aller hardiment jusqu'à la dernière conséquence, notre logique n'ayant pas de rétrécissement, suites et traces d'un passé cicatrisé, mais non effacé.

    der éorie nach ne coïncide pas avec les sphères pratiques et. s'y résigne, est tout à fait antipathique au génie russe.

    La société bigarrée, sans gouvernail, indifférente à la surface, blasée et naïve, corrompue et simple, a été bien loin de rester tranquille devant le nouveau creuset épuratoire de la pensée. Des femmes et des jeunes filles se jetèrent haletantes vers les nouvelles doctrines, demandant à haute voix l'indépendance personnelle et la dignité du travail. Rien de pareil ne s'est vu depuis les premiers temps du Saint-Simonisme.

    Une société dans laquelle la femme est si lasse et la pensée si impitoyable, doit avoir été profondément travaillée, errante; il faut qu'elle ait été froissée, humiliée, trompée, outragée, qu'elle ait é enfin, pour se jeter sans crainte ni réserve dans la mer froide et sans limites de la vérité nue. Qui connaît l'histoire de nos âmes en peine, de nos développements malades, estropiés? Nous avons essayé de tracer le drame, le roman, la souffrance de notre embryogénie intellectuelle... Qui s'en souvient?

    Arrachés par un coup de tonnerre ou plutôt de tambour, au milieu d'une vie somnolente et végétale, du sein de notre mère (pauvre et grossière paysanne, mais toujours mère), nous nous vîmes dépouillés de tout, à commencer par les habits et la barbe. On nous habitua à mépriser notre mère et à nous moquer de notre foyer paternel. On nous grava une tradition étrangère, on nous flanqua éclara, au sortir de l'école, que nous sommes des esclaves attachés à l'Etat et que l'Etat c'est une espèce de père Saturne qui, sous le nom d'empereur, nous avale au premier geste indépendant, au premier mot libre. On nous déclarait naïvement qu'on nous a civilisés dans un but d'utilité publique et gouvernementale et que, partant de là, on ne nous reconnaît aucun droit humain.

    être avalé par lui, s'est rangé de son côté, écrasant de plus en plus le rez-de-chaussée du peuple, et jetant aux travaux forcés les récalcitrants parmi les civilisés «pour cause d'utilité publique».

    Un appareil si étrange ne pouvait aller à la longue, il n'avait pas de conditions sérieuses de stabilité, aussi au premier appel, les forces vives débordèrent (1812) et le lendemain de la victoire on commençait à demander des garanties d'une existence humaine. L'essai de 1825 a échoué, mais la secousse était forte. Le trône de Pierre Ier, à peine affermi du tremblement de terre (dernières convulsions d'un peuple qui se débattait contre l'esclavage), reçut un nouvel avertissement, venant des Ce coup n'était pas léger. Nicolas en était à la longue crainte.

    érieur dans lequel nous nous trouvions, pendant les trente années de ce règne, était plus douloureux que les malheurs qui tombaient sur notre tête. Nous étions dépaysés, sans racines, ignorant le peuple, détestant la maison paternelle — foyer de persécution des serfs, détestant le gouvernement comme ennemi puissant et féroce de tout développement intellectuel, de tout progrès... nous n'avions, dans notre impuissance, qu'une arme — l'étude, qu'une consolation — l'ironie.

    Et c'est l'étude qui nous donna une autre patrie, une autre tradition; c'était la tradition de la grande lutte du XVIIIe ècle. Oh! que nous vous avons aimés, en puisant de toute la force de nos poumons, l'air frais soufflant pour la première fois sur le monde par la grande ouverture de 1789. Nous courbions nos têtes avec vénération devant ces figures sombres et fortes de vos saints pères du grand concile républicain, allant inaugurer l'ère de la raison et de la liberté.

    ée que la jeunesse russe avait pour la théorie allemande, pour française, semblait être justifiée «t couronnée en 1848.

    Vous connaissez le revers de la médaille. L'année 48 n'était pas encore terminée que nous retournâmes de la Jérusalem moderne comme Luther retournait du Vatican. Encore une fois heimatlos, âmes sans point d'appui devant la puissance de l'empereur Nicolas, qui s'était prodigieusement accrue et assombrie.

    La main qui nous guidait du dehors, tremblait pour ses trésors et s'efforçait de retourner à bord. Nous l'avons lâchée. C'était notre dernière émancipation, c'était notre nihilisme... Laissant la main, nous nous jetâmes au large, à nos risques et périls, dans la direction qu'elle nous avait désignée.

    éportés des journées de Juin étaient à peine arrivés à leur destination, lorsqu'une association socialiste était découverte a Pétersbourg. Nicolas sévit avec sa férocité ordinaire. Les individus périrent, les idées restèrent, germèrent. Le caractère dominant du mouvement était si évidemment que les deux courants opposés de l'opinion, les deux écoles qui n'avaient rien de commun, l'école scientifique, analytique, réaliste, et l’école nationale, religieuse, historique, étaient d'accord sur toutes les questions de la commune rurale et de ses institutions agraires.

    Bientôt arriva un troisième collège bien étrange.

    ça sa ferme volonté d'émanciper les. paysans. Tout le monde était d'accord que le temps d'affranchissement personnel des paysans était venu. Là n'était pas la grande question, le fond était de savoir s'il fallait les émanciper avec la terre qu'ils cultivent ou laisser la terre au seigneur et doter le peuple du droit de vagabondage et de la liberté de mourir de faim. Le gouvernement était indécis, oscillant, n'avait aucune conviction formée et stable. Le tzar penchait pour la dotation, ses conseillers étaient naturellement contre. Dans cet embarras, le gouvernement ouvrit — dans le pays des mystères de chancellerie et de mutisme — des débats presque publics sur cette question vitale. On permit à la presse d'y prendre part, jusqu'à un certain point. Toutes les nuances politiques et littéraires, toutes les écoles — sceptiques et mystiques, socialistes et pansla-vistes, la propagande de Londres et les journaux de Pétersbourg et de Moscou — se réunirent dans une même action pour défendre le droit du paysan à la terre, contre les prétentions d'une minorité oligarchique. La voix du peuple ne manquait non plus; il n'admettait pas même la possibilité émancipation sans terre. Enfin le gouvernement, après de nouvelles oscillations, qui nous faisaient trembler d'anxiété, pencha de notre côté. L'émancipation avec la terre fut décidée en principe. C'est un grand triomphe et un immense pas en avant.

    Depuis ce jour le gouvernement n'est plus le maître d'enrayer le mouvement. Pour rebrousser chemin, il faut avoir l'audace d'arracher la terre aux paysans. II y eut peut-être un moment où l'on pouvait en faire l'essai —- heureusement il est passé.

    ûlant et dangereux, lente à se décider, formula son opposition d'impuissance — lorsque la terre du paysan était déjà bien loin.

    Les cinq années qui s'écoulèrent depuis la mort de Nicolas et l'apparition du manifeste de l'émancipation des paysans, au mois de mars 1861, forment une grande époque non seulement dans l'histoire de la Russie, mais dans l'histoire du XIXe siècle.

    ément regretté et regretterai toujours qu'il m'était impossible de voir de mes yeux ce qui se passait alors en Russie.

    ésolante, accablante écrasait sans relâche, avec une uniformité mécanique, et tout d'un coup une rupture — les cordes qui entrent dans les chaires se détendent, les prisonniers voient un beau matin que la porte n'était pas verrouillée; ils ne savent où aller, les uns vont au grand air et retournent dans les cellules. Tout le monde s'est émancipé de son propre gré. Le mot Liberté n'a été prononcé par personne et a été entendu par tout le monde, par l'empereur Alexandre comme par les autres. Il sentait aussi que la lourde surveillance a cessé de peser, oubliant que cette surveillance était lui-même.

    La chose était mûre — les formes plièrent, les mots changèrent de sens; on a cessé de croire à la puissance d'institutions devant lesquelles on tremblait hier et qui restaient invariablement les mêmes. La Russie peut encore passer par des phases de tyrannie affreuse, d'un arbitraire sans bornes, mais elle ne peut retourner au régime calme et accablant de Nicolas.

    Beaucoup de choses qui vinrent au jour alors, étaient précoces, quelquefois exagérées. Les jeunes forces, comprimées si longtemps, n'ayant aucune issue, aucune direction, et contenues matériellement par une discipline qui n'avait rien d'humain, débordaient; mais au milieu de cette grande orgie matinale se révélèrent des forces non soupçonnées, se conçurent des fruits, qui survivront parfaitement bien l'hiver inclément de la blanche terreur qui continue.

    Un des premiers pas de la jeunesse fut l'organisation écoles de dimanche et des associations d'ouvriers et d'ouvrières. é sur les bases socialistes, allait de front avec l'école et frisait naturellement la commune rurale. Le peuple des villages, vivant lui-même dans des associations agraires, avait, depuis des siècles, créé sur une très grande échelle les associations ouvrières. A côté de la commune fixe—l'artel, la commune mobile, l'association ouvrière.

    écoles, ces associations, étaient autant de ponts jetés entre la ville et le village, entre les deux états du développement.

    été brisé, écrasé par le gouvernement en peur et fureur, après l'histoire de ces incendies, qui n'a jamais eu de clé. Tout cela renaîtra.

    Mais en faisant monter demain cette pierre de Sisyphe, que le tzar se complaît à rouler en bas après-demain, on peut perdre des siècles sans trop avancer. Oui, mais aussi on peut réussir demain en roulant, au lieu de la pierre, le gouvernement. Nous avons trop de chaos et d'incongruités pour nous étonner des imprévus.

    éalisent chez nous avec une célérité incroyable; des changements qui, par leur importance, équivalent à des révolutions, s'accomplissent sans qu'on s'en aperçoive en Europe.

    écorations: les murs sont en carton, les palais en toile peinte. Ce que l'on voit sur les tréteaux du grand théâtre impérial n'est pas tout de bon, à commencer par les personnes. Ce grand seigneur, c'est un laquais; ce ministre, dictateur et despote, c'est un révolutionnaire; ce civilisé, ce raffiné — Calmouck par habitude et moeurs. Tout est d'emprunt. Nos rangs sont des rangs allemands, on ne s'est pas même donné la peine de les traduire en russe—le Collégien Registrator, le étonnement des oreilles des paysans et rehausser la dignité de divers copistes, scribes et autres palefreniers de la bureaucratie.

    Nous autres, comme les enfants trouvés dans un hospice, nous sentons — sans connaître d'autre maison paternelle — que celle-là n'est pas à nous, et nous désirons passionnément la démolir.

    çades, où il n'y a rien de vrai et de réel, que le peuple en bas et la lumière en haut, il n'y a que deux éléments qui font exception, deux forces de destruction: c'est le courage militaire et le courage de la négation. Or, n'oublions pas que «la négation active est une force créatrice», comme l'a dit, il y a bien des années, notre ami Michel Bakounine. Il est impossible de parler sérieusement du conservatisme en Russie. ' Le mot même n'existait pas avant l'émancipation des paysans.

    être stationnaires comme le saint Stylite, ou marcher à reculons comme une écrevisse, mais nous ne pouvons pas être conservateurs, car nous n'avons rien à conserver. Edifice mixte, sans architecture, sans solidarité, sans racines, sans principes, hétérogène et plein de contradictions. Camp civil, chancellerie militaire, état de siège en temps de paix, mélange de réaction et de révolution, prêt à durer longtemps et à tomber en ruine demain.

    Le jour où Pierre, tzar byzantin, s'est fait empereur à l'allemande et prit un gîte à Pétersbourg — le tzarisme a perdu tout terrain conservateur. Depuis ce temps, l'empereur change comme un Protée: il est femme et homme, Romanoff et Holstein.— Civilisateur le knout à la main, le knout à la main persécuteur de toute lumière, gardant les traditions, brisant les traditions, faisant la barbe à son empire par esprit révolutionnaire et épous-setant la poussière d'une vieille église à barbe, pour s'opposer à la révolution.

    Aujourd'hui premier premier peuple; ée peut lui venir de continuer le règne fou de Paul Ier, demain, de se proclamer Pougatcheff II. J'ai toujours admiré l'adjectif hermaphrodite que Voltaire a employé en disant é.

    La noblesse voudrait bien jouer un rôle de conservatistes-tories, mais heureusement elle est arrivée à cette idée le lendemain de la perte du trésor qu'elle avait à conserver. Elle n'a pas de valeur intrinsèque; sa puissance venait du tzar — il a ôté son doigt — elle n'existe que de nom. La partie saine, jeune de la, noblesse, tâche de faire oublier son origine, oublie elle-même, cherche du travail et se fond avec tout le monde. L'autre partie-obstinée, irritée, se consume en colère et perd le reste de ses forces usées à faire trois oppositions stériles. Une opposition de cupidité à la commune affranchie, une opposition hypocrite et traître à la bureaucratie — dans laquelle elle comprend le gouvernement, — et une opposition acharnée, imbécile de vengeance et de rancune à la pensée libre, aux nouvelles aspirations, à la jeunesse active et lancée dans le mouvement. Haïe par le peuple, suspectée par le gouvernement et détestée par la jeunesse intelligente — elle rôde amaigrie, vieillie et furieuse, ne pouvant, comme Calypso, se consoler du départ du beau droit de servage au moins.

    Ce que nous venons de dire de la noblesse nous pouvons le dire à plus forte raison de la noblesse ésente qu'un instrument: c'est un régiment civil qui ne raisonne pas elle continuera à fonctionner, avec èle et vol —sous Paul Ier — Ennemie par position de la grande noblesse — elle se confond avec la petite. C'est une classe qui n'a rien à conserver, sauf les dossiers et archives.

    ême est tout ce qu'il y a de moins conservateur: ils sont d'accord sur la nécessité de grandes réformes. Une partie de la noblesse tend à obtenir une représentation parlementaire et à prendre le gouvernement sous son contrôle. Le gouvernement et la bureaucratie sont toujours à l'idée de réformer l'Etat par le despotisme civilisateur. Ils sont toujours dans le mode de Pierre Ierécentraliser et donner de petites franchises, pensant que cela ôtera le goût des grandes; ils veulent céder une part de l'administration — pourvu qu'on ne touche pas aux droits sacrosaints de la souveraineté absolue. Pour un temps quelconque cela pourait aller — avec un tzar énergique et un ministre homme de génie, les deux travaillant de toutes leurs forces à se creuser au plus vite une fosse. Des hommes médiocres ne suffiront pas à cette tâche — ils feront une réaction désordonnée, un désordre blessant, précisément ce que fait maintenant le gouvernement du Palais d'Hiver. Une constitution nobiliaire ne suffirait à personne, et le gouvernement sera toujours en mesure de l'écraser, s'appuyant sur les exclus, les mécontents et les paysans.

    Reste donc la convocation du «grand concile», d'une représentation sans distinction de classes, seul moyen de constater les désirs réels du peuple et de savoir où nous en sommes. C'est aussi le seul moyen de sortir sans secousse, sans bouleversement — terreur et horreur — sans torrents de sang, de la longue introduction que l'on appelle la période de Pétersbourg.

    éaction aiguë qui cotinue n’a ni unité, ni plan, ni profondeur: elle a la force en main et le sans-gêne héréditaire; elle fera des malheurs — elle ne s'arrêtera devant rien et n'arrêtera rien non plus.

    èire Constituante, le premier parlement— nous aurons la liberté de la parole, de la discussion et un terrain légal.

    Avec ces données nous pouvons marcher. La route est difficile — et pour quel peuple était-elle jonchée de roses? Tous les obstacles sont extérieurs — rien ne nous retient dans notre conscience.

    égitimistes, ni aristocrates, ni cléricaux, ni républicains antisociaux, ni démocrates centralisateurs, ni déistes intolérants, ni bourgeois souverains dans le camp du progrès.

    ès à présent nous avons le droit de terminer notre article-vestibule en disant qu'il n'y a pas de raison suffisante ni de nous maudire — en nous craignant, ni de se désoler — en nous plaignant. Heureusement nous ne sommes ni si forts ni si malheureux.

    1er écembre 1867.

    Примечания

    [1] . Ed<ition> russe pub<Iiée> à Londres, 1858.

    [2] Conclusion d'une série d'articles sur la Pologne dans le

    ès remarquable, publié à Paris en 1863 par un Polonais, sous le titre: La Pologne et la cause de Vordre. é que la haine ne perd rien par la connaisance intime de son ennemi. Dans beaucoup de cas nous partageons ses opinions, lui les nôtres; nous avons puisé aux mêmes sources. Quel plus grand critérium que cette rencontre de deux sentiments opposés! Je m'empresse d'ajouter qu'en parlant des articles sur la Russie dans les journaux allemands et français, nous avons excepté les brillants et magnifiques tableaux de Ch. Mazade dans la Revue des Deux Mondes.

    érieur s'arrête, étonné, et constate un fait qui cadre peu avec le tableau stéréotypé de la Russie. Le fait paraît seul, isolé, presque monstrueux — on ne va pas à la recherche de la série — et le fait se perd de vue. Un homme célèbre me disait à Vey-taux, en parlant de l'émancipation des paysans en Russie avec la terre: — «La Convention de 93 —et elle était bien audacieuse — aurait reculé devant une mesure taillant si profondément dans le droit de la propriété. Il me semble que l'obéissance passive de la noblesse entre, et pour beaucoup, dans la réussite de cette mesure socialiste».—«Je ne le pense pas,— dis je,— d'autant plus que la noblesse était bien loin d'une soumission passive. Cette mesure a passé parce qu 'elle était parfaitement conforme au génie national et que l'émancipation, sans terre, était impossible chez nous. Elle aurait provoqué certainement une jacquerie. Une révolution sociale de cette étendue ne pouvait se faire tranquillement que chez un peuple qui possède été que celles des peuples de l’Occident».

    Personne n'y a songé sérieusement.

    éterminé à paraître encore une fois a la barre, insistant pour l'admission du témoin à décharge ès d'excommunication qu'on poursuit contre la Russie.

    œthe, qu'il adresse à l'Amérique:

    Dich stört nicht im Innern,

    Unnützes Erinnern,

    écié par le baron westphalien Haxthausen et le sociologue américain Carrey

    Prolegomena
    Prolegomena (перевод)
    Примечания